Après un premier cru 2020 alléchant, voici le 2ᵉ épisode de l’année pour Jukebox, notre sélection musicale : du rap, une pyramide, de la chanson, des mandolines, une meute de loups et quelques premiers albums. Ouvrez vos oreilles !

Hazel Anne – Kheops

Programmée pour la prochaine édition des Embellies, la Rennaise Hazel Anne sortait ce mois-ci un opus intitulé Kheops. Un album bricolé (quasiment) en solo avec guitare, voix, looper et boîte à rythmes. Ombres mystérieuses, passages souterrains : c’est une pyramide musicale qui se développe sur chaque titre, aux ambiances fascinantes. Transes répétitives, voix aérienne sur « Narcissus » qui passe à la langue française sur « Îles » : Hazel Anne varie les voyages, triture les sons et les accords comme pour vider une « Histoire indigeste ». Une lourdeur qui s’ancre dans les deux compositions suivantes, avant de terminer sur un texte de Chris Isaak avec « Voodoo ». Un challenge en solitaire qui se dégustera tout aussi bien sur scène.

8 titres – 4 février 2020

Octave Noire – Monolithe

Après la belle surprise de Néon (2017), le fascinant Octave Noire revient avec un opus qui s’écoute d’un seul bloc (à l’image de son titre) : Monolithe. Sans mauvais jeu de mot supplémentaire, c’est un disque massif, qui nécessite plusieurs écoutes pour savourer la fusion de ses influences électroniques et de ses arrangements. Trois feat. avec des artistes (dont les 2 premiers du même label) : Arm, Mesparrow, et Dominique A pour le superbe « J’ai choisi » et sa progression enivrante. Oscillations sonores, des introductions comme celle de « Retiens cette image » embarquent immédiatement ; invitent à parcourir ces compositions quasi cinématographiques où plane (notamment sur « Los Angeles ») l’ombre de François de Roubaix. Un disque de pierres et de nuages.

10 titres – 14 février 2020 – Yotanka

Le Crapaud & la Morue – EP4 : Pour une aventure ouverte

Le Crapaud & la Morue délivrent, selon leurs dires, des « chansons noises bizarres » ; ils démarrent en 2013 la publication de La prophétie éventuelle, constitué de plusieurs EP dont voilà le 4ᵉ (enfin pas vraiment si on compte le live et le pilote mais il s’appelle EP4, restons logiques), qui cette fois-ci invite le hip-hop sur leurs bidouillages incongrus. On y retrouve ainsi Brzowski et Monsieur Saï qui parlent des partages d’articles sur internet*, La Main gauche sur une composition hachée menu, ou encore Sooolem qui prend son temps le long d’un marécage tortueux. Ajoutez à cela 3 titres instrumentaux, rassemblez un puzzle à base de cLOUDDEAD et de RZA, et vous obtenez un véritable parcours sonore qui semble rester ouvert à la libre interprétation de l’auditeur, transformé temporairement en aventurier.

6 titres – 1er février 2020 – Mauvais sang

Féloche – Féloche & the mandolin orchestra

Le multi-instrumentiste sautillant et siffleur Féloche s’accompagne à la mandoline (la guitare, c’est dépassé). Mais il revenait cette fois-ci avec une armée de mandolinistes (plus on est de fous, plus la tarentelle décolle). Au programme de ces joyeux drilles : revisiter le répertoire de Féloche (« Silbo », « Darwin avait raison ») pour les concerts, mais aussi d’autres standards ; « Bambino » de Dalida, piocher le juste titre chez Bourvil (« La Mandoline), « Mes petites amoureuses » chez Léo Ferré, ou encore « Chic planète » chez L’Affaire Louis Trio. Un disque facétieux à l’image de l’exubérant Féloche ; inclassable.

10 titres – 14 février 2020

Emane – Like a woman

Vos batteries sont à plat ? Le ciel gris vous déprime ? Les réveils sont difficiles ? Le 1er album d’Emane devrait compenser ces petits tracas hivernaux avec 9 titres soul, funk et R’n'B. Car la chanteuse a un sourire et une énergie communicative qui transpire à travers ces compositions qui n’hésitent pas à emprunter des aspects 80′s comme sur « Hurry up », ou la ballade « Fly Away » (qui renverrait plutôt du côté de Whitney Houston). L’ensemble joue la carte du dynamisme avec des productions ultra léchées (peut-être un peu trop ?), et reste dans la ligne de l’intro scotchante de « Destiny », jusqu’à piocher dans l’esthétique gospel avec le final et les chœurs de « Smile ». Enjoy !

9 titres – 14 février 2020

Tideux – Persévérance

Les amateurs de rap du grand Ouest connaissent surtout Tideux pour ses productions au sein du Tamahagané Clan ; le voilà désormais producteur, mais pour ses propres écrits, « indélébiles de par leur contenu ». Car Tideux (comme ceux avec qui il croise le micro, de l’Alerte rouge à Skalpel) gratte du papier comme d’autres iraient poser un tag nocturne. Un message « Radical » pour rappeler que « La Z.A.D est partout », évoquant la pénibilité du travail** dans « Le cimetière des utopies » ou des contre-déclarations d’amour avec « No love for cops ». Des textes posés proprement sur des sons boom-bap que les habitués reconnaîtront et ponctués de quelques scratches signés Sticky Snake et Dj Monark. 15 titres pour signer une certaine Persévérance « contre leur monde ».

15 titres – 18 février 2020

Cocanha – Puput

Drôle d’oiseau que le trio Cocanha qui a donné comme titre à son 2ᵉ disque Puput, le nom occitan de la huppe fasciée. Et celle-ci vole haut, comme les voix des 3 femmes qui usent du répertoire traditionnel occitan pour le remettre au goût du jour en mode polyphonique. Les voix se superposent, se répondent, et font vibrer leurs compositions sur des rythmes à danser. Car c’est le martèlement du tambour à corde qui soutient les voix et donne envie de claquer du talon sur le sol. Des racines ancestrales donc, propulsées dans un univers contemporain, et qui virevoltent avec talent.

13 titres – 21 février 2020 – Pagans

Blue haired girl – Dérive

C’est une jolie pépite Lo-Fi (puisqu’il faut bien mettre une étiquette) que nous offre le label rennais Les disques normal avec le retour de Blue Haired Girl (13 ans après leur dernier opus). Un quatuor qui cherche l’équilibre entre harmonies et textures sonores ; qu’il s’agisse d’accords cristallins à des frottements abrasifs, c’est principalement un album instrumental même si le texte s’invite avec « Des formes » sur quelques notes de xylophone ; un instrument qui ponctue les titres, tout comme le violoncelle, réchauffant ainsi les ambiances électriques. De petites dissonances en promenades (faussement) folk, Blue Haired girl entraîne dans sa Dérive ceux qui voudront bien s’y laisser porter.

8 titres – 21 février 2020 – Les disques normal

Benjunior et Ba-Kha - Sans transparence

C’est derrière un visuel de rōnin (samouraï sans maître) que se trouvent les rappeurs Benjunior et Ba-Kha, qui viennent croiser, non pas le sabre, mais le micro sur des prods d’Itam et Beatlejouss. Après une intro qui replace les dialogues d’Audiard comme favoris du monde du sample, les deux rappeurs alternent les 16 mais restent dans les mêmes ambiances (qui ne sont pas à la fête et où se faufilent les influences d’un Furax ou d’un TSR) ; piano classique et beat lourd pour « Demain c’est tard », froissement de feuilles pour rappeler que le rap et l’écriture sont une manière de poser son « Fardeau », Benjunior et Ba-Kha triturent leurs poignées de punchlines pour découper la mélancolie au couteau (et à la plume).

12 titres – 24 janvier 2020 – La Base productions

L1consolable – Sauvage

Le rappeur L1consolable revient ausculter son époque avec un nouvel album de 18 titres (rien que ça) en mode Sauvage (ou comment avoir les crocs au micro). Un titre dédié aux femmes (des « célibataires à celles qui gisent à terre »), un panorama de plus d’un an de lutte en gilet jaune, une observation socio-urbaine, jusqu’à un feat. avec Skalpel sur « Fleur du bitume ». Un disque sur des breaks classiques, pour rapper « Comme un jazzman noir dans l’Amérique blanche », et 1h20 de musique pour accompagner la rage, ou s’échapper un instant « Loin du bruit ».

18 titres – 2 février 2020