Maintenant, du Comité Invisible

Maintenant, du Comité Invisible : un essai pour ne pas sans cesse procrastiner nos élans.

 

« En même temps, quand on est nostalgique de l’Algérie française, de quoi ne peut-on être nostalgique ? (…) Mobiliser la panique pour restaurer l’ordre, c’est rater ce qu’il y a d’essentiellement dispersif dans la panique. Le processus de fragmentation générale est si imparable que toutes les brutalités dont on usera afin de refaire l’unité perdue n’aboutiront qu’à l’accélérer, à le rendre plus profond et plus irréversible. » (p. 27, « 50 nuances de bris »)

 

« Le travail salarié fut la forme du maintien d’un certain ordre. La violence fondamentale qu’il contient, celle que font oublier le corps brisé de l’ouvrier à la chaîne, le mineur emporté par un coup de grisou ou le burn out des employés sous pression managériale extrême, a trait au sens de la vie. En vendant son temps, en se faisant le sujet de ce à quoi on l’emploie, le salarié place le sens de son existence entre les mains de ceux qu’elle indiffère voire dont la vocation est de la fouler aux pieds. » (p. 88-89, « Fin du travail, vie magique »)

 

L’époque est à la contestation, plus ou moins radicale, des ordres établis. On pressent qu’il suffirait de presque rien pour que ça bascule, pour que le régime inégalitaire actuel souvent aveuglément cruel et très généralement mesquin vacille et laisse une large place aux utopies communistes portées par la jeunesse soucieuse du bien-être de tous et de chacun. « La seule mesure de l’état de crise du capitalisme, c’est le degré d’organisation des forces qui entendent le combattre. » (p. 107, « Fin du travail, vie magique »)

Maintenant

Les auteurs, anonymes, du Comité Invisible, à qui l’on doit déjà L’Insurrection qui vient ou À nos amis invitent ainsi à prendre position, à s’inscrire dans un processus historique qui n’en est pas à son coup d’essai. Ni à sa première déconfiture. Eux aussi admettent une certaine fascination pour la Commune (pour en savoir plus, cf. La Traversée – Retour de bagne d’un Communard déporté, de Gérard Hamon, Éditions Pontcerq, Rennes, 2016, 12 € ; ou Des graines sous la neige – Nathalie Lumel, Communarde et visionnaire, de Roland Michon et Laëtitia Rouxel, Éditions Locus Solus, 2017, 146 pages, 20 €*) ou pour Mai 68. Comme un prolongement naturel de ces moments-phares, les événements de 2016 contre les lois Macron et El Khomri sont ici largement analysés, ainsi que les mouvements Nuit Debout, qui en prennent pour leur grade.

 

« Le long printemps de 2016 aura établi cette évidence : l’émeute, le blocage et l’occupation forment la grammaire politique élémentaire de l’époque. » (p. 31, « 50 nuances de bris »)

À l’aide de formules percutantes, voire mordantes, de théories tantôt subtiles tantôt brumeuses, et de critiques globalement lucides et bien senties, le Comité Invisible s’efforce de nous dessiller les yeux, de nous montrer le monde tel qu’il est (avec ses monstres à la Trump, ses chausse-trappes, ses belles flammes et ses manifestations sauvages teintées de situationnisme). De localiser l’ennemi. De définir une stratégie. De débusquer les défaillances.

 

« Être de gauche ou de droite, c’est choisir entre une des innombrables manières qui s’offrent à l’homme d’être un imbécile. » (p. 38, « 50 nuances de bris »)

 

« À la majestueuse figure du Travailleur succède celle, rachitique, du Crevard – car pour que l’argent et le contrôle puissent s’infiltrer partout, il faut que l’argent partout manque. Tout, désormais, doit être l’occasion de générer un peu de monnaie, un peu de valeur, de faire “un petit billet”. » (p. 92, « Fin du travail, vie magique »)

 

Maintenant nous souffle donc de créer des liens émancipateurs. De faire corps. Et d’ouvrir l’œil. Car « si nos perceptions n’étaient pas ajustées, cela se payait en coups de matraques. Nos erreurs n’étaient plus une question de “point de vue”, elles se mesuraient en points de suture et en chairs tuméfiées » (p. 147, « Pour la suite du monde »).

* Retrouvez une chronique de cette bande dessinée historique consacrée à une figure méconnue de la Commune dans les pages de La Revue de l’Imprimerie Nocturne.

Maintenant, du Comité Invisible, Éditions La Fabrique, Paris, 2017, 160 pages, 9 €.

 

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