It follows de David Robert Mitchell

It follows : un bad-trip de haute volée : être suivi n’a jamais été aussi flippant.

Franchement, qui oserait affirmer que l’irrationnel n’occupe aucune place dans sa vie ? Qui peut prétendre que la peur ne fait pas partie de son existence ? Qui, pour recentrer le sujet, n’a jamais cru à la possibilité d’un mal vaguement contagieux, plus ou moins rampant, tapi dans l’ombre comme une peste bubonique prête à nous tomber dessus à la moindre baisse de vigilance ?

Pour ma part, j’ai peur plusieurs fois par jour ; mon esprit cartésien s’égare dans des limbes indicibles régulièrement et, comme les cathares* (notamment après avoir lu un fil d’actualités moroses), je ne suis pas loin de penser que le Mal et la bêtise gouvernent le monde – heureusement, des petites entreprises comme L’Imprimerie Nocturne démontrent a contrario jour après jour avec modestie, abnégation et un engagement sans cesse renouvelé que la passion, la bonne intelligence, la curiosité et la créativité sont aussi de redoutables moteurs civilisationnels.

Pour s’en débarrasser, peut-on considérer comme éthiquement valable de la refiler à quelqu’un d’autre ?

Alors aller voir un film qui fait peur et use pour ce faire de maléfices surnaturels qui rôdent et châtient les imprudents, ça me réconcilie avec cette partie de moi-même qui s’est construite en élaborant des scénarios cauchemardesques. Examiner (en toute quiétude – par exemple, assis dans un fauteuil moelleux rouge devant un grand écran dans une salle généreusement climatisée et plongée dans un noir propice à l’apaisement) ce qui nous terrifie est toujours un inestimable enrichissement, une saine pratique, pour ne pas dire une nécessité vitale… La condition sine qua non de tout progrès.

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Jay (Maika Monroe) va devoir affronter ses démons, vaincre son Œdipe… et soigner ses fréquentations.

It follows, donc, c’est l’histoire d’un phénomène terrifiant, qui se déclenche après des ébats amoureux et se transmet entre amants. Sur le principe, ça rappelle le Sida. Ou les psychoses lourdes caractérisées par d’encombrantes hallucinations visuelles plus vraies que nature. Mais là, le virus, zombiesque, est encore plus coriace. Alors quand la jeune et jolie délurée Jay (Maika Monroe), après une étreinte coïtale avec Hugh, son petit ami du moment (Jake Weary), est touchée par cette « chose » qui suivait Hugh et que Hugh, ce salaud, lui transmet, le quotidien de Jay bascule dans l’épouvante. Saura-t-elle s’arracher de ce fort mauvais pas ? Trouvera-t-elle la parade pour se désenvoûter ?

Rien ne semble pouvoir arrêter la « chose »… Ces ados qui sont aux prises avec cette « chose » se doivent néanmoins de réagir, ne serait-ce que pour survivre. Or aucun adulte ne semble les accompagner ni les défendre. Et les décisions à prendre sont cruelles : pour s’en débarrasser, peut-on considérer comme éthiquement valable de la refiler à quelqu’un d’autre ? Le problème resterait alors entier en confiant simplement (et carrément sadiquement) à son prochain la joie de le résoudre… Mais ce serait aussi admettre qu’on est parfois incapable de combattre seul une adversité qui nous dépasse. Face à cette « chose » qui revêt les formes les plus inattendues, il faut savoir garder son sang-froid et savoir faire la part des choses entre ce qui est réel et ce qui relève du pur fantasme – en d’autres termes, on appelle ça prendre littéralement ses responsabilités, et ça n’a jamais été ce qu’on fait de plus simple.

 

* Les cathares périrent par milliers aux XIIe et XIIIe siècles ap. J.-C., lors des guerres albigeoises, sur les bûchers dressés par les Frères inquisiteurs et sous les coups des Croisés, lesquels, ô paradoxe, massacrèrent allègrement ces hérétiques aussi têtus que déviants qui refusaient de se soumettre à l’Église papale de l’inflexible Innocent III pourtant bâtie sur la foi en un amour divin transcendant et en un monde trinitaire.

It follows – Film d’horreur américain de David Robert Mitchell – Avec Maika Monroe, Keir Gilchrist – Durée : 1h47 – Déconseillé aux moins de 12 ans

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