Le tatoueur d’Auschwitz d’Heather Morris : une histoire vraie d’amours épiques sur fond de solution finale.
1942. Jeune homme séduisant, débrouillard, volontaire et plein d’aplomb, polyglotte et élégant, optimiste forcené, Lale fait partie d’un convoi ferroviaire de juifs hongrois, arrachés à leurs familles, emprisonnés dans des wagons à bestiaux, en direction du camp d’Auschwitz-Birkenau sis au sud-ouest de Cracovie, en Pologne occupée depuis l’automne 1939. Pour survivre dans cet enfer, Lale va accepter le poste de tatoueur des nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes (d’origine juive, tzigane… d’obédience communiste ou francs-maçons… venant de toutes les zones contrôlées par l’Allemagne et ses alliés) dans ce camp de concentration, de travail et in fine d’extermination. Marquer la chair de ses congénères d’indélébile manière lui octroie des privilèges, qui lui permettent d’améliorer le sombre ordinaire. Chambre individuelle, liberté de circuler, exemption des travaux harassants qui conduisent à une mort certaine à brève échéance, ration alimentaire moins draconienne seront ses gages de survie. La rencontre avec Gita – qu’il tatoue d’un sinistre « 34902 » – va aussi le galvaniser, car si l’amour est réputé soulever les montagnes, il permet également (du moins dans le cas présent) de survivre aux épreuves d’apparence insurmontables imposées par l’inqualifiable idéologie nazie.
Basé sur le témoignage poignant recueilli auprès de Lale qui a survécu à la Shoah et s’est ensuite installé après moult péripéties en Australie avec Gita, ce récit présente dans son effroyable dureté le cas de conscience auquel, comme tant d’autres, le héros est confronté : collaborer à l’épouvantable machine nazie (en tant que rouage à l’étape de l’administration dans le camp) pour sauver sa propre peau. Le cas de Lale, pris au piège dans un environnement extrêmement hostile, met en exergue cette question primordiale de la condition humaine, à savoir : Que sommes-nous prêts à faire (ou à refuser) pour perdurer dans notre être, tout en préservant nos valeurs fondamentales ?
Une bluette dans un camp de la mort : s’il peut sembler malséant, voire putassier, ce cocktail est néanmoins fortifiant.
« Le lien très fort que Lale a avec sa mère a influencé sa façon de se comporter avec les filles et avec les femmes. Il est attiré par toutes les femmes, pas seulement physiquement mais émotionnellement. Il aime leur parler, les complimenter, il aime aussi qu’elles se sentent bien dans leur peau. Pour lui, toutes les femmes sont belles et il ne voit aucun mal à le leur dire. Sa mère mais aussi sa sœur lui ont inconsciemment appris ce qu’une femme attend d’un homme et il a essayé d’appliquer cet enseignement à sa propre vie. “Sois attentif, Lale, pense aux petites choses, les grandes se règleront d’elles-mêmes.” Il entend encore le douce voix de sa mère. » (p. 136)
Le tatoueur d’Auschwitz d’Heather Morris, traduit de l’anglais – Australie – par Jocelyne Barsse, 2018, City Editions, Éd. J’ai lu, Paris, 320 p., 7,90 €.