Ghostland de Pascal Laugier : un tantinet moins dansant que La La Land, un chouïa plus gothique que Promised Land.
Hésitant (car fatigué) entre le peut-être navrant Tout le monde debout de Frank Dubosc et le très prometteur La Forme de l’eau de Guillermo del Toro à l’esthétique léchée, j’opte finalement pour une tierce proposition de l’automate du Gaumont, à savoir Ghostland, dont l’affiche parfaitement attrayante est accompagnée d’un avertissement à l’intention des moins de 16 ans. Bref, autant dire que les films d’horreur* ne font pas partie de mes priorités habituelles, mais peut-être suis-je un peu tendu (à cause du changement d’heure, du fil de l’aspirateur toujours trop court, du voisin qui troue des murs avec sa perceuse à percussion…) et ai-je besoin d’un remontant atypique.
Transformer des adolescentes non consentantes en poupées pour ensuite « jouer » avec elles, quitte à salement les esquinter : déclinaison aussi horrible que pendable du mythe de la femme-enfant-objet, dont Pauline (étonnante Mylène Farmer) et ses deux filles Beth, qui a peur de son ombre et rêve de devenir une auteure de romans fantastiques à succès (Crystal Reed ci-dessus, bien amochée) et Vera (Taylor Hickson/Anastasia Phillips) vont avoir à pâtir.
Avec une mise en scène redoutable (qui ne prend pas le spectateur pour un imbécile et ménage de vraies surprises comme l’exige le genre), Ghostland explore cette zone où la folie règne. Folie d’un duo de psychopathes d’un côté (un ogre et une sorcière qui redoublent de cruauté et qui sont sans limite ni pitié) et folie croissante d’un autre côté de leurs victimes, innocentes, qui peuvent préférer se déconnecter du réel, le transcender, dans une sorte de catalepsie onirique (Beth rêve-t-elle, ou bien est-elle bel et bien devenue cette auteure populaire de romans d’épouvante ? Chaque spectateur·trice se fera sa propre idée) pour survivre face à l’horreur imposée par des bourreaux aux « jeux » glaçants.
La « folie » se fait dès lors tantôt mécanique de destruction, tantôt unique porte de sortie, refuge quasi inviolable, espace imaginaire préservé, inatteignable, où l’être humain dans les conditions les plus abominables puisera moult étonnantes ressources.
Confrontation entre un duo maléfique et une sororité à toute épreuve, Ghostland de Pascal Laugier est typiquement le genre de film à même d’offrir des lettres de noblesse à ce genre décrié du film d’horreur. Il a d’ailleurs été primé au Festival international du film fantastique de Gérardmer.
* Il m’est arrivé d’être agréablement surpris, décontenancé (par L’Orphelinat de Juan Antonio Bayona, 2007 ; La colline a des yeux 2 d’Alexandre Aja, 2007 ; Le Projet Blair witch de Daniel Myrick et Eduardo Sanchez, 1999…) ou largement déçu (Projet Blair witch 3 d’Adam Wingard, 2016). Incontestablement, Ghostland va entrer dans la première de ces catégories.
Ghostland – Film d’épouvante franco-canadien de Pascal Laugier – Avec Mylène Farmer, Crystal Reed, Taylor Hickson, Rob Archer… – Sortie le 14 mars 2018 – Durée : 1h31 – Grand Prix de la 25e édition du Festival du film fantastique de Gérardmer présidé par Mathieu Kassovitz.