96 heures, un thriller de 96 minutes de Schoendoerffer

96 heures : Lanvin le flic versus Arestrup le braqueur.

Pourtant la bande-annonce ne mettait pas du tout mis en appétit (elle est en bas de l’article quand même). Mais c’est une chronique de François Forestier dans le Nouvel Obs qui m’aura convaincu. Et j’ai bien fait de suivre les prescriptions de ce cinéphile averti et chroniqueur ô combien admirable qui en soulignait la noirceur.

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Kancel, arme au poing, taquine Carré, inflexible.

L’histoire se résume assez bien à un duel entre un vieux lion (Victor Kancel, épaulé par des sbires patibulaires) et un commissaire chevronné (Gabriel Carré, secondé quant à lui par Marion, une aspirante, futée, au grade de commissaire, qui s’apprête à passer son concours). Pour le plaisir, attention spoiler sur un point de détail : Marion – je vous l’avais dit qu’elle était futée – décroche son diplôme du premier coup*.

Quoi qu’il en soit, 96 heures fonctionne parfaitement, du début à la fin. Gérard Lanvin, il est vrai, excelle dans ce type de rôle : celui du policier viril, au charme indémodable et irrésistible, malin, impertinent, empli de sang-froid et de bon sens, « d’intuition et de persévérance » comme le précise le personnage qu’il joue. Face à lui, Niels Arestrup est lui aussi loin de démériter. Ses moues sont mauvaises à souhait. Les vilains, il sait faire. Son calme explosif convient également pour camper sans faillir ce parrain un peu psychopathe et paranoïaque sur les bords. Il en impose. Il en ferait presque peur, ce con.

Et puis ses acolytes ont des sales gueules comme il faut – ou une belle gueule comme il est nécessaire pour ce qui est de son avocat, Maître Castella, qui aurait peut-être mieux fait de se spécialiser dans la défense des droits des sans-papiers plutôt que dans celle des cadors du grand banditisme… Mais bon, n’en disons pas plus. L’essentiel étant que c’est important de soigner le casting et les interactions entre les têtes d’affiche et les seconds couteaux.

Bref, 96 heures a toutes les qualités annoncées par François Forestier et j’en aurais d’ailleurs mis un doigt à couper – au sécateur. Une question cependant me vient : les apparitions dans maintes scènes de produits de grandes marques (Audi Q7, irish whiskey Jameson, fraises Tagada, Peugeot 508, canettes de Sprite, etc.) sont-elles des plus qui apportent une réelle touche d’authenticité (car nos héros vivent eux aussi dans notre joyeuse société de consommation) ou s’agit-il d’un parasitisme putassier ? Évidemment, ce n’est pas l’Imprimerie qui tranchera cette épineuse question. Qui plus est, ces éléments, eux aussi, sont des points de détail… Mais ils donnent à penser que rien n’est laissé au hasard dans ces histoires que le cinéma désormais raconte. Que tout y est soigneusement orchestré, prémédité. Que l’équipe qui gravite autour d’un tournage ne ménage pas sa peine pour procurer du plaisir. Et qu’en conséquence de quoi le succès et la cohérence de la chose filmée découleront des soins apportés (ou pas) à la chaîne de production.

Dans 96 heures, puisqu’on évoque ces petits détails qui font toute la différence, on notera la présence d’une reproduction d’un tableau de Salvador Dali, accrochée au mur de la luxueuse villa où se planquent Victor et sa bande. On aurait aimé qu’il s’agisse de l’original. Là ça fait un peu cheap… Mais l’original est tout petit (24,1 × 33 cm) et donc guère photogénique. Pourtant, tout comme pour les acteurs, quel sens ça aurait si on employait des sosies plutôt que les vrais ? Mais bon c’est encore un détail. Le septième art rend ainsi hommage au troisième et c’est le principal. Les arts quels qu’ils soient sont le domaine par excellence de l’illusion, de la supercherie, de l’irréel et de la magie, dont les vertus principales sont justement d’augmenter le réel. Ici, « La persistance de la mémoire ou les montres molles » et le temps surréaliste que cette peinture de 1931 dépeint font écho aux temps que Kancel et Carré s’acharnent avec plus ou moins de réussite à maîtriser : le temps de la détention, le temps des gardes à vue, le temps des trahisons, le temps de la vengeance, le temps de l’enquête, le temps de réaction, le temps du deuil, le temps des amours, le temps de la fuite et le temps des sursis – avant que ne tombent les couperets.

 

* Certes, pour celles et ceux qui passent concours, soutenances et autres partiels, ce genre d’épreuves est généralement tout sauf un point de détail.

96 heures – Thriller de Frédéric Schoendoerffer – Avec Niels Arestrup, Gérard Lanvin, Laura Smet, Sylvie Testud, Slimane Dazi, Cyril Lecomte – Sortie le 23 avril 2014 – Durée : 1h36

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