1917, de Sam Mendes

1917 : un film prodigieusement étourdissant de l’Anglais Sam Mendes sur cette boucherie que fut la Der des Der qui ne fut hélas pas la dernière.

 

Je traverse une période où la violence et la guerre occupent une place importante dans mes réflexions – est-ce à cause des centaines d’images de violences policières filmées qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux ? Est-ce à cause des oppressantes sensations qui nous saisissent lorsqu’on voit les déploiements quasi-militaires déployés pour encadrer les cortèges de manifestant·e·s ou sécuriser un périmètre lorsqu’un ministre de l’Intérieur se déplace en province pour poser la première pierre d’une préfecture boulevard d’Armorique ? Est-ce à cause des dérives autoritaires qu’on constate en Macronie comme à Hong-Kong et face auxquelles on cherche les moyens pour se défendre et ne pas laisser les situations empirer ?

1917_Colin-FirthLa guerre, pour citer Georges Clémenceau (1841-1929), n’est-elle pas une chose trop grave pour être confiée à des militaires ? Ici, le général Erinmore (Colin Firth) planche au-dessus d’un plan réalisé grâce à des repérages en avion.

Avec ce film de Sam Mendes, on patauge avec deux bidasses, Schofield (George MacKay) et Blake (Dean-Charles Chapman), qui doivent (ordre de l’état-major) parcourir une quinzaine de kilomètres avant l’aube du lendemain, à travers le no man’s land qui sépare les deux camps retranchés, pour apporter un message crucial à un régiment en première ligne qui s’apprête à partir à l’assaut de « frisés » embusqués. Dans ce régiment en sursis, de surcroît, officie le frère de Blake. Rats gros comme des lapins, protections en barbelés dans lesquelles finissent de se décomposer des corps de soldats, trous d’obus emplis d’eau où croupissent des cadavres, tranchées interminables et labyrinthiques densément peuplées de soldats souvent jeunes comme nos deux protagonistes, snipers embusqués dans des ruines, galeries souterraines piégées, rivière charriant des macchabées gonflés, chevaux éventrés tombés au champ d’honneur, vaches canardées, bombardements, haut-gradés va-t-en-guerre prêts à sacrifier la vie de leurs hommes, 1917 est un haletant sprint semé d’embûches répugnantes et de chausse-trappes mortelles. Évidemment, on se doute bien qu’avec un contexte pareil, l’happy-end sera tout relatif.

Les esthètes pourront admirer le camaïeu d’ocres, de couleurs grisâtres, terreuses, argileuses, limoneuses ou boueuses qui compose cette ode aux malheureux héros qui traversèrent la Manche (certains venant même de plus loin, par exemple des Indes, alors colonie britannique) pour découvrir l’infernal bourbier des tranchées. L’énergie et les émotions portées par les 2 héros principaux, pour qui on s’inquiète vu la difficulté des épreuves qu’ils affrontent, évitent à ce virtuose 1917 de se résumer à une espèce de jeu vidéo addictif où il s’agirait de faire un high score en évitant ou éliminant le plus rapidement possible les ennemis et ce, sans se faire dégommer, car les héros, ici, n’ont qu’une vie chacun.

1917 – Film américano-britannique de Sam Mendes – Avec George MacKay, Dean-Charles Chapman, Mark Strong… – Sortie le 15 janvier 2020 – Durée : 1h59 – 7 prix remportés lors de l’Orange British Academy Film Awards 2020 et 2 Golden Globes décrochés lors de la 77ᵉ édition de la compétition éponyme.

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