The Handmaid’s Tale, un sombre avenir pour les femmes

La série The Handmaid’s Tale est de retour avec une deuxième saison depuis le 25 avril sur Hulu. Après une première saison très remarquée et récompensée l’année dernière, l’adaptation du roman de Margaret Atwood par Bruce Miller est une plongée abrupte dans une version dystopique des États-Unis, dans laquelle les femmes perdent tous leurs droits, comme la protagoniste June devenue la servante Defred. Présentation de cet univers pas si lointain sans (trop de) spoilers.

 

01.the-handmaids-tale_cover

 

« C’était après la catastrophe, quand ils ont abattu le Président, mitraillé le Congrès et que les militaires ont déclaré l’état d’urgence. Ils ont rejeté la faute sur les fanatiques islamistes, à l’époque. […] C’est à ce moment-là qu’ils ont suspendu la Constitution. Ils disaient que ce serait temporaire. Il n’y a même pas eu d’émeutes dans la rue. »

 

Dans un futur très proche aux États-Unis, le climat social est tendu, la pollution environnementale et les infections sexuellement transmissibles sont telles que la fécondité a drastiquement baissé, entraînant un taux de naissance de bébés en bonne santé extrêmement bas. Un groupe politique autoritaire théocratique d’obédience protestante, Les Fils de Jacob, profite de cette crise pour réaliser un coup d’État en attaquant la Maison Blanche, la Cour Suprême et le Congrès, puis proclamer la fondation de leur République de Gilead, qui recouvre une partie du territoire américain. Toute la population est réprimée : sont exécutés les personnes s’opposant politiquement ou religieusement, les hommes gays et bisexuels car « traîtres au genre », les médecins ayant pratiqué l’avortement. Les femmes subissent un traitement particulier. Elles sont progressivement dépossédées de tous leurs droits et libertés (travail rémunéré, possession d’un compte en banque, propriété privée, contraception, conduire, lire et écrire, etc.) jusqu’à leur nom. Leur existence devient complètement soumise à leur utilité sociale et reproductive, soit comme Épouse (seule catégorie de femmes ayant un semblant de pouvoir social), Martha (travail domestique), Servante (travail reproductif) dirigées par les Tantes, ou « Unwomen » (non-femmes) pour les femmes jugées inutiles ou comme punition, envoyées dans les Colonies, ramasser des déchets radioactifs jusqu’à la mort.

 

02.the-handmaids-tale-emily-colonies

 

« L’ordinaire, disait Tante Lydia, c’est ce à quoi vous êtes habituées. Ceci peut ne pas vous paraître ordinaire maintenant, mais cela le deviendra après un temps. »

 

L’intrigue du roman et de la série se concentre sur le récit de June (incarnée par l’impeccable Elisabeth Moss), devenue Defred après son placement comme Servante chez le Commandant Fred Waterford et son épouse Serena Joy (toutes les Servantes prenant le prénom de leur propriétaire masculin). Son statut est à la fois un des plus bas et des plus convoités de la société puisqu’elle fait partie des rares femmes encore fertiles. Elle participe aussi au travail domestique (faire les courses) mais son rôle consiste à fournir un enfant à ses propriétaires via la Cérémonie mensuelle, qui n’est ni plus ni moins qu’une version ritualisée d’un viol. Nous sommes immergé·e·s dans son esprit et son quotidien, fait d’enfermement, de solitude, de brimades et de souvenirs de sa vie passée. Avant la dictature, June, élevée par une mère militante féministe, était en couple avec Luke et ils avaient une fille, Hannah. Ils ont été rattrapés et séparés par les Gardiens (l’omniprésente armée de Gilead) en tentant de se réfugier au Canada. L’espoir de les revoir un jour la maintient en vie. La narration s’articule en une triple temporalité : le présent, le passé quand la dictature s’est progressivement instaurée jusqu’à la tentative d’exil, le passé encore avant dans la vie « ordinaire ».

 

03.the-handmaids-tale-june-defred

 

« Nolite Te Bastardes Carborundorum »

L’espoir est aussi dans une solidarité qui se crée entre ces femmes opprimées, comme entre June et sa meilleure amie Moira enfermées ensemble au Centre Rouge (formation des Servantes), June/Defred et Emily/Deglen, autre Servante avec qui elle va faire les courses, discutent sur le trajet à pied des achats et de la météo ainsi que d’un mystérieux réseau de résistance, ou encore l’élan collectif pour défendre Janine/Dewarren qui est le point de bascule entre les deux saisons de la série. Cette sororité de classe n’est évidemment pas encouragée par le régime, organisé de façon à ce que toute solidarité entre femmes et la population en général soit impossible (peur de la délation), et ses conséquences sont souvent terribles, mais n’en disons pas plus.

 

04.the-handmaids-tale-janine-stoning

 

Ce qui rend le récit d’autant plus terrifiant c’est que Margaret Atwood ne se base que sur des faits ayant déjà existé pour son roman, adapté dans la première saison, et a maintenu cette règle pour l’écriture de la deuxième saison (et la troisième prévue). Les exemples sont nombreux, on peut citer le décret 770 sous la dictature de Ceaușescu contrôlant la natalité, l’avortement criminalisé sous le régime de Vichy, les enlèvements d’enfants de « subversifs » sous les dictatures argentine et espagnole, et bien sûr la lecture intégriste de l’Ancien Testament qui est la loi selon Les Fils de Jacob justifiant l’existence des Servantes, les châtiments corporels et la punition de l’homosexualité. En regardant le gouvernement américain actuel on peut se dire que l’autrice avait vu hélas juste dès 1985 (année de publication) et que le présent s’assombrit aux États-Unis pour les femmes et les personnes LGBT : restriction d’accès à l’avortement, des droits des personnes transgenres, prédominance des discours climato-sceptiques et fondamentalistes, sans oublier le vice-président Mike Pence que Donald Trump aime présenter comme voulant « pendre » toutes les personnes LGBT. Et l’avenir n’est pas forcément mieux ailleurs et par chez nous… Comme rappelait déjà Simone de Beauvoir : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »  Et La Servante Écarlate, en livre ou en série, sonne comme un rappel nécessaire.

 

05.the-handmaids-tale-june-memorial

 

La série  The Handmaid’s Tale est actuellement diffusée sur Hulu et conseillée à un public averti en raison des thèmes abordés et de scènes particulièrement (trop) violentes.

Le roman La Servante Ecarlate de Margaret Atwood est édité par plusieurs maisons d’édition en version originale et française, et disponible dans toutes les libraires.

Envie de réagir ?

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>