Pride, une fière comédie politico-sociale.

Lire un bon livre, re·voir de belles personnes, grimper dans un arbre majestueux aux branches épaisses, assister à une exceptionnelle séance de cinéma… les petits plaisirs de la vie sont multiples et à L’Imprimerie, majoritairement animée par des hordes plus ou moins délurées d’indécrottables hédonistes, on ne pourra que vous inciter à les multiplier, ces instants de fragiles bonheurs plus ou moins minuscules mais néanmoins vitaux. Vite au fait donc : Pride est une gorgée de réjouissances, une bouffée d’oxygène, cent vingt minutes éloquentes qui m’auraient presque fait fondre en larmes à plusieurs reprises et donné envie d’applaudir au moment du générique de fin. Je ne me suis pas permis d’applaudir, j’ai manqué de cran. La peur du ridicule, peut-être, si j’avais été le seul à applaudir (pourtant, je suis sûr que la salle, comble et comblée, aurait suivi)… Mais le public rennais est frileux, c’est bien connu. Pride c’est une histoire de solidarité – ô noble sentiment s’il en est. Pride c’est aussi une histoire de préjugés – battus en brèche. Pride enfin, c’est une tranche d’Histoire – et ça fait toujours un bien fou de s’agiter les neurones, quel qu’en soit le nombre qu’on croit détenir.

Appareil-photo en bandoulière, le jeune Joe (George Mackay) apprend à ne jamais baisser les bras.

Pride évoque les luttes, durant l’ère Thatcher, menées par les mineurs gallois lancés dans une longue grève. Ces derniers vont obtenir l’aide des gays et lesbiennes londoniens. Cet élan de solidarités improbables est l’occasion de montrer combien apporter son aide est délicat dans certains cas. De montrer aussi combien les victimes d’oppression d’un système politique (ici les mineurs de fond) peuvent à leur tour être les auteurs d’une répression hétéronormée, ségrégationniste et réactionnaire à l’encontre de minorités appelées à brûler en enfer pour leurs péchés sodomites. Heureusement – et l’émotion naît de ce miracle – les connections finissent par s’établir entre les gueules noires qui comptent parmi elles quelques esprits ouverts et les énergiques activistes évoluant contre vents et marées dans le milieu interlope des nuits de Camden. Pour Joe (George Mackay), apprenti-pâtissier élevé dans une famille confite dans ses préjugés, ce sera aussi l’occasion de faire son coming-out, de connaître l’amour et de réaliser un reportage-photo. Pour le beau et très engagé Mark (Ben Schnetzer), valeureux leader d’opinions, ce sera la possibilité de faire avancer fièrement la cause homosexuelle – et faire reculer d’autant les pressions liberticides exercées par la société. Pour Gethin (Andrew Scott), ce sera l’occasion de retrouver son Pays-de-Galles natal. Pour Jonathan (Dominic West), séropositif et amateur de marijuana, ce sera l’occasion de trancher, concernant un slogan contestataire, si « Thatcher ! Va te faire mettre » est préférable à « Thatcher ! Va te faire foutre ».

Le début des années 80 en Grande-Bretagne – les badges aux revers des vestes, les pantalons retroussés au-dessus des chevilles, l’apparition du Sida et ses premiers ravages, Bronski Beat, Queen, Soft Cell, Culture Club, les Pet Shop Boys, Lloyd Cole and the Commotions, le thatchérisme et ses rudesses… – est ainsi revisité à l’aune de ces alliances de circonstance. Avec humour et tact, Pride détaille les soubresauts, les victoires comme les aléas, d’une contestation toujours actuelle contre les obscurantismes bien ancrés dans les caboches. Et c’est un vrai régal.