Le deuxième long métrage du très prometteur réalisateur américain Ari Aster, Midsommar, est sorti en France le mercredi 31 juillet. Ce conte de fées, selon ses dires, mêle sanglantes festivités païennes et cheminement intime. Présentation du film avec le moins de spoilers possible.
Durant une nuit d’hiver, Dani Ardor (Florence Pugh), une étudiante d’une vingtaine d’années, apprend le décès violent de ses parents et sa sœur. Elle cherche le soutien de la part de son petit-ami, Christian Hughes (Jack Reynor), qui la délaisse lâchement depuis quelques temps déjà. Quelques mois plus tard, elle se joint à celui-ci et ses amis sur l’invitation d’un d’entre eux, Pelle (Vilhelm Blomgren), pour assister à une célébration très spéciale du solstice d’été dans sa communauté d’origine, les Hårga, dans le nord de la Suède, n’ayant lieu que tous les quatre-vingt-dix ans. La proposition attire particulièrement Christian et Josh (William Jackson Harper), tous les deux doctorants en anthropologie, ainsi que Dani qui cherche à guérir de son deuil et son couple en déliquescence. Une fois sur place les invités vont vite se sentir mal à l’aise face aux rituels du groupe et réaliser ce qui se cache réellement derrière son hospitalité.
Impossible de ne pas penser à The Wicker Man – l’original de Robin Hardy sorti en 1973 avec Christopher Lee, pas l’affreux remake par Neil LaBute avec Nicolas « not the beeees » Cage de 2006 – au premier visionnage de la bande-annonce de Midsommar, deuxième long métrage d’Ari Aster après Hérédité, sorti l’année dernière. Ce classique du film d’horreur folk a marqué nombre d’esprits, jusqu’à un récent clip vidéo de Radiohead. Mais là où le premier film propose une enquête sur une île où le protagoniste n’est pas vraiment le bienvenu, celui d’Aster est une expérience immersive à l’intérieur de la communauté à travers les yeux des personnes la découvrant, Dani en particulier. Leurs perceptions sont progressivement mises à mal par l’ingestion continue de psychotropes, la barrière de la langue et de la culture, et le soleil quasi continu, le tout superbement dépeint par le travail de Pawel Pogorzelski. Climax de Gaspar Noé fait d’ailleurs partie des films l’ayant inspiré – même s’il a depuis un avis plus réservé sur la question – pour la mise en image de la perte de repère et de la défonce, sans compter les scènes de danse et d’explosions émotionnelles collectives, qui frôlent le grotesque par leur animalité. Il n’y a pas de jugement religieux comme le policier anglais d’antan obsédé par le christianisme, mais au contraire la curiosité des étudiants en anthropologie, même si elle se heurte (littéralement) à leurs travers irrespectueux et la cruauté des pratiques locales.
Tout comme Hérédité, c’est une œuvre sur la famille, empoisonnée par un deuil impossible et les dynamiques toxiques, et sa reconstruction à travers une nouvelle communauté. Une préoccupation chère au réalisateur depuis ses courts métrages, tous visibles en ligne. Mention spéciale à Munchausen, traquenard muet, le choquant The Strange Thing About the Johnsons, et pour souffler un peu le sarcastique Basically. Aster prend toujours le temps de poser le cadre, le tissage des relations, sème des indices tout au long de son histoire, notamment à travers les multiples illustrations et symboles décorant les lieux et les vêtements, afin que le public fasse son propre cheminement jusqu’à réaliser de lui-même l’emprise inéluctable exercée sur les protagonistes. Le film est certes long car contemplatif et suggestif, ce qui peut rebuter certaines personnes, mais c’est ce qui lui donne sa force, bien plus que les scènes choc attendues pour un film vendu comme horrifique. Une expérience de saison à tenter.
Ari Aster, Midsommar, 2019, 2 h 20, avec Florence Pugh, Jack Reynor, William Jackson Harper, Vilhelm Blomgren, Will Poulter. Actuellement projeté au Gaumont de Rennes. Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement (quelques scènes particulièrement violentes).