Climax, danser jusqu’au bout de la vie

Cinquième long-métrage du réalisateur franco-argentin Gaspar Noé, Climax est une histoire en huis-clos de danse, de sangria au LSD et d’une fête qui se décompose dans la violence.

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« Vivre est une impossibilité collective »

En 1996, quelque part en France, une troupe composée d’une vingtaine de danseurs est sur le point de partir pour une tournée aux États-Unis, l’aboutissement de leur travail acharné. Après une dernière répétition (première des superbes scènes chorégraphiques, sur une version instrumentale de « Supernature » de Cerrone), le groupe décide de décompresser et s’amuser autour d’un buffet comprenant entre autres de la sangria. Elle s’avèrera aussi délicieuse qu’empoisonnée au LSD, et les effets de cette drogue ingérée à l’insu de tout le monde vont libérer les diverses haines et peurs sous-jacentes, dans les cris, les larmes, les coups et le sang.

« Un film français et fier de l’être »

Même si le drapeau tricolore à paillettes ne met pas toute l’équipe à l’aise (deux danseurs en discutent en aparté), il annonce, au-delà de l’apparente provocation qu’affectionne Gaspar Noé, une fierté queer et multiculturelle, des corps divers qui se donnent entièrement, dans des postures krump, voguing (porté en France par le DJ Kiddy Smile qui joue le rôle de Daddy), contorsionnistes ou carrément érotiques. Le réalisateur est obsédé par la danse et a recruté les meilleurs interprètes possibles pour son film, en France et ailleurs. À l’exception de Sofia Boutella (Selva) qui a également une carrière comme actrice, le casting est uniquement constitué de danseurs et danseuses, qui a été dirigé au fil du tournage (de seulement quinze jours) afin de livrer une performance authentique et spontanée, pensée comme un happening filmé magnifiquement par le chef opérateur Benoit Debbie. Comme le hasard de la création fait bien les choses, il est possible de rapprocher ce film de la dernière pièce de Gisèle Vienne, Crowd, mise en scène chorégraphiée d’une rave party sacrificielle.

« Ça représente quoi la danse pour toi? » « C’est tout pour moi. La danse c’est tout pour moi, j’ai que ça. »

La danse est aussi tout ce que Climax a à offrir de nouveau pour quiconque suit le travail de Gaspar Noé, tant il évoque la violence de Irréversible (en moins insoutenable) et les délires psychédéliques avant la mort de Enter The Void, sans parler des longs plans séquences immersifs, des mouvements de caméra chaotiques, des couleurs contrastées, du montage qui ne respecte pas les conventions habituelles et autres auto-références. Mais peut-être qu’il n’y a rien de plus à chercher dans ce film que cette ode à la danse, aussi anxiogène soit-elle, et c’est une expérience qui se suffit à elle-même. (Sinon vous apprendrez qui a drogué la sangria, mais vous ne saurez probablement pas pourquoi et c’est peut être mieux ainsi.)

En attendant, l’impeccable bande-son éditée par le label Milan Music est à découvrir.

Gaspar Noé – Climax - Sorti le mercredi 19 septembre 2018, 95 minutes, interdit au public de moins de 16 ans. Certains propos et scènes peuvent choquer (agressions physiques et sexuelles).

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