Le Daim, de Quentin Dupieux

Le Daim : une comédie vestimentaire franco-belge de Quentin Dupieux taillée sur-mesure pour Jean Dujardin.

 

Georges (Jean Dujardin), dans ce film un peu fou sur la folie prédatrice d’un homme livré à sa lubie, rêve d’être le seul homme à porter un blouson. Il s’offre d’ailleurs, d’occasion, un magnifique blouson à franges, made in Italy, 100 % daim – dont l’étiquette a été enlevée par son premier propriétaire parce qu’elle grattait.

Et ce blouson quant à lui rêve d’être le seul blouson sur Terre. Les deux faisant la paire, s’ensuit une sorte de chasse grand-guignolesque, aussi cocasse que sans pitié, à tout ce qui porte blouson, menée par Georges en personne. Sa barbe poivre-et-sel et son allure lambda plutôt bonhomme masquent mal son rapport agressif vis-à-vis d’une certaine catégorie de vêtements.

NB : on avait rarement vu pitch plus loufoque depuis un bail.

Décors gris, beiges, déclinant des camaïeux de couleurs évoquant le pelage d’un daim (Dama dama) ; seconds rôles décisifs ; situations absurdes franchement désopilantes (qui sont la marque stylistique de Quentin Dupieux) ; dialogues offrant de belles réparties dignes d’un film de Bertrand Blier, Le Daim est une brillante petite œuvre au surréalisme assumé (1h17 seulement). En son cœur : la névrose délirante, mégalomaniaque et perverse d’un homme seul, manipulateur, d’une antipathie assez désinhibée, bien décidé à annihiler promptement celles et ceux qui contrecarreraient son projet d’être le seul et unique, ici-bas, à porter un blouson. 

GeorgesGeorges (Jean Dujardin) se trouve décidément très classe. Avec sa nouvelle veste en peau de bête tannée, ça bute.

À l’instar de Denise (Adèle Haenel), serveuse dans le bar où Georges échoue pour écluser quelque whisky, on pourra s’interroger longuement sur cette allégorie du blouson unique. Au bout du compte, ce blouson sans égal serait-il la métaphore des idées qu’on porte, qu’on transmet, qu’on échange, dont on se pare – mais qu’également on cherche, parfois, à éradiquer par tous les moyens, y compris l’exécution, l’élimination physique, de quiconque porterait une idée opposée aux nôtres – car on considère que seules celles-ci sont valables et dignes de considération ? De la même façon que pour éradiquer les blousons, on en arrive à éliminer ceux qui les portent, pour supprimer une idée, n’est-on pas enclin à supprimer ceux qui les incarnent ?

En cette période où, tout en s’en défendant de le faire, l’État policier s’échine à emprisonner, mutiler, estourbir, museler, harceler, châtier, humilier non pas, comme Georges, les porteurs de blouson, mais les porteurs de gilets jaunes, on ne pourra qu’apprécier sans retenue la portée de ce film étrange. Au sujet duquel toutes les interprétations restent ouvertes, naturellement.

Le Daim, donc : de la farce, épicée par une certaine idée du dédain… pour la vie d’autrui.


Le Daim – Film d’horreur comique franco-belge de Quentin Dupieux – Avec Jean Dujardin, Adèle Haenel, Pierre Gommé, Marie Bunel… – Durée : 1h17 – Sortie le 19 juin 2019 – 5 nominations à la Quinzaine des Réalisateur du festival de Cannes 2019.

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