Retour à Bollène, drame de Saïd Hamich

Retour à Bollène, de Saïd Hamich : une description sobre et très personnelle, presque documentaire,  des épines et échardes de l’émigration.

 

Nassim (Anas El Baz) revient à Bollène (Vaucluse) avec sa fiancée américaine. Ce retour aux sources pour celui qui vit et travaille depuis plusieurs années à Abu Dhabi ne se fait pas sans douleur.

D’une part, il se rend compte qu’il n’a plus grand-chose à voir avec sa famille bollénoise, confite dans une pratique de l’islam truffée de tabous, d’hypocrisies et d’interdits, réduite également à une certaine précarité (une de ses sœurs entre deux versets du Coran galère dans ses études de droit, son frère traficote des cornes de gazelle au cannabis, sa mère rêve de rentrer au Maroc, son père se casse le dos sous des serres maraîchères…).

Lui qui a réussi sa carrière brillamment déplore que ceux qu’il a laissés derrière lui, ses amis d’enfance, pataugent dans une certaine misère sociale plutôt pitoyable. Seule une ex-petite amie, désormais mère célibataire, se dit heureuse.

Fils d’immigrés venus du Maghreb, Nassim a donc à son tour émigré vers les Émirats arabes, parce qu’à Bollène, à l’évidence, s’épanouir lui serait impossible.

Retour à Bollène est d’abord le portrait d’une ville « tombée » aux mains de Marie-Claude Bompard, de la Ligue du Sud* à la douce devise « Identité, efficacité, sécurité », où les quartiers pauvres peuplés de Maghrébins sont complètement désenclavés et ghettoïsés, où les anciens communistes votent pour l’extrême droite, où les moyens accordés à la police sont disproportionnés, où l’on cultive en dépit du réel l’idée d’une France blanche (voir campagne d’affichage municipale ci-dessous) crispée autour de peurs irraisonnées.

Affiche-ville-de-BOLLENE

Aussi bien, Retour à Bollène esquisse également les désarrois nés des non-dits. La tendresse, l’amour ont du mal à s’exprimer dans les cercles familiaux où sont cultivées rudesse et virilité.

L’air de rien, Retour à Bollène dessine en creux le panorama peu reluisant d’une France étouffante, victime de choix politiques malheureux, peuplée de citoyen·ne·s déconsidéré·e·s, traversée d’idéologies insidieuses et rances. Plutôt que se complaire dans cette atmosphère, Nassim le héros de Retour à Bollène optera pour l’exil, la fuite – le mouvement étant souvent une bonne façon de ne pas pourrir sur pied. De rester en vie.

* La Ligue du Sud est un parti xénophobe fondé par son mari Jacques Bompard, quant à lui maire d’Orange.


Retour à Bollène, drame réaliste franco-marocain – De Saïd Hamich – Avec Anas El Baz, Kate Colebrook… – Sortie le 30 mai 2018 – Durée : 1h07 – Prix Contrebande au festival international du film indépendant de Bordeaux.

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