Transmusicales : le programme décrypté par Jean Louis Brossard

À quelques jours des 40e Transmusicales de Rennes, nous avons rencontré le directeur programmateur du festival. Jean-Louis Brossard nous présente l’édition 2018.

 

Jean Louis Brossard 2018 2 Les Transmusicales Rennes Franck Amouroux

  • Pour ces 40es Rencontres Transmusicales, quel regard portez-vous sur tout ce chemin parcouru ?

Un regard très positif car ce qui est important c’est de voir qu’on est toujours là pour la quarantième. C’est un super travail d’équipe avec plein de gens qui bossent sur le festival. Ce sont énormément d’artistes qui ont traversé ces trente-neuf années, c’est surtout une vie de musiques, de rencontres !

« Chacun a envie de donner ce qu’il a en lui »

  • Du jeune étudiant en 1979 à aujourd’hui en 2018, quarante ans plus tard, vous avez façonné la ville, vous en êtes un repère. Votre parole, vos actions sont scrutées et analysées, vous influencez de nombreux amateurs de musiques depuis quatre décennies, cette position de leadership n’est-elle pas difficile à maintenir ? Comment appréhendez-vous les coups bas, les jalousies que votre position peut procurer aux programmateurs et autres acteurs locaux ou régionaux de la musique ?

D’abord, pour être franc et direct, je suis très loin de tout ça. Je me balade assez peu en ville ou ailleurs en fait. Mon emploi du temps est consacré exclusivement à mon travail de programmateur à l’Ubu, j’y organise quand même jusqu’à trois concerts par semaine. Moi ce que j’aime c’est aller voir les concerts que je programme. Je suis une personne qui n’apprécie pas trop le copinage avec les artistes même s’il est vrai que j’ai des potes dans ce milieu. Ce qui fait que je suis assez éloigné de ça même si je sais qu’il y a des gens qui m’aiment bien et d’autres qui au contraire me détestent. Ça fait partie de la vie et ceci comme pour tout le monde en fait ; les jalousies et les coups bas, il y en a dans tous les boulots. Le reste personnellement, ça ne me touche pas vraiment. Certes les critiques sont bonnes à prendre car on peut toujours évoluer, les Trans évoluent toujours. Après question de goûts musicaux et artistiquement, il y a des gens qui peuvent détester et d’autres qui vont adorer, mais globalement quand même, la balance penche plutôt du côté des gens qui aiment je crois. Mais si tu n’aimes pas les groupes que je programme,  j’ai envie de te dire, tant pis quoi (rires) !

En ce qui concerne le leadership, c’est vrai que c’est un festival important pour la ville mais il y a plein de gens qui organisent des festivals à Rennes. Il y a des nouvelles assos qui font des trucs très bien. Il y a plein de nouveaux concerts et de festivals intéressants en Bretagne. Chacun a envie de donner ce qu’il a en lui, ce qu’il a envie de montrer. Moi ce qui m’intéresse c’est ce que je vais montrer sur le festival, les 90 artistes que je programme et le travail que je vais faire avec une équipe. Il y a de nombreux autres festivals ou l’on voit autre chose de différent et c’est bien justement !

  • En dehors de la musique, quelles nouveautés nous attendent cette année ?

Le Hall 5 va être complètement transformé dans ses aménagements et ceci pour les 3 jours au Parc expo. C’est ce qu’on aime réaffirmer artistiquement, techniquement, dans l’accueil de notre public et en termes de visualisation et d’occupation de l’espace : « On est nouveau depuis 1979 ».

  • Pourriez-vous nous donner une sorte de tendance générale musicale dans ses grandes lignes pour cette fin d’année 2018 ?

Cette année encore, il s’agit de styles musicaux radicalement différents, on passe de l’électro hip-hop en se déplaçant vers la pop, le rock bien sûr, avec comme à l’accoutumée de nombreux pays musicaux sélectionnés. Je crois qu’il y a un grand retour de l’Afrique, des musiciens africains vivant sur leur continent comme ceux résidant en Europe aussi et qui travaillent avec des musiciens de notre partie du monde. Ce sont des pays où il y a une ouverture, ils ont découvert la musique électronique récemment. Je pense qu’il y a quelque chose de nouveau dans la « Sono Mondiale ». Je me suis rendu compte de ça en programmant les groupes en fait.

  • Naghash-ensembleDe ces 90 artistes programmés cette année, quels seraient les plus originaux pour la programmation habituelle des Trans ?

Oui, je pense à un style radicalement différent de la musique électronique, c’est un groupe qui vient d’Arménie, ça s’appelle The Nagash Ensemble. Le groupe est composé d’un pianiste, d’un joueur de duduk (une sorte de bombarde), d’un oud, de derbouka et de trois chanteuses lyrique, deux soprano, une alto. C’est un groupe tellement particulier que c’est mon groupe presque préféré de cette édition 2018… Avec mon assistant Mathieu, j’ai eu la chance de les découvrir lors d’un concert organisé par l’opéra de Rouen dans une église. Et pour les Trans, j’avais envie de montrer ce groupe à un autre public. J’espère que ça plaira au groupe aussi car j’ai montré à John le pianiste les vidéos du lieu dans lequel ils allaient jouer, histoire de les préparer. Il y a du gros son, des lights partout, je lui ai bien montré que ce n’était pas un piège, que les conditions de concert allaient sans doute changer de leurs habitudes des salles culturelles ou des églises.

  • Le site du Parc expo est-il justement bien approprié pour ce type de musiques un peu délicates ?

C’est un groupe qui est programmé vers minuit le vendredi soir au Hall 8. Ce n’est pas le groupe qui ouvrira la soirée et justement, je considère et j’espère que ce moment-là sera perçu comme un choc pour le public. Il est vrai qu’il y a des choses beaucoup plus rock ou électronique dans d’autres salles mais je pense aussi qu’il y a toujours un moment ou le spectateur aime aller vers quelque chose de radicalement différent. Je me rappelle Colin Stetson qui est un saxophoniste basse que j’avais fait il y a quelques années et qui était tout seul sur scène et avec qui je partageais le trac ce soir-là. Ce moment avait très bien fonctionné parce que le public des Trans est très friand de nouveautés, de nouveaux sons, il aime qu’on le surprenne.

  • Pour conclure l’entretien, Jean-Louis, quelles sont vos recommandations pour cette année ?

Pour le jeudi, je dirais le nouveau projet de Missil qui se nomme O’Sisters, elle est accompagnée de trois rappeuses chanteuses et de la musique électronique.

Ce même soir, Disiz La Peste qui n’est pas un nouveau venu puisqu’il en est à son quatorzième album mais dès que j’ai écouté les premiers morceaux de ce disque j’ai été complètement bluffé. Je pensais que c’était beaucoup plus rap, plus basique mais non pas du tout, il y a eu des sons qui m’ont beaucoup plus. Ce sera son premier concert avec cette nouvelle formule et son nouveau disque.

Et puis j’aime bien le blues, alors il y a Robert Finley qui approche des soixante-dix balais et qui vient de sortir son premier disque ! C’est un chanteur de blues dans la pure tradition afro-américaine.

Il y a aussi des ovnis comme Hubert Lenoir qui est un jeune chanteur québécois avec un côté un peu plus David Bowie quelque part dans l’esthétique bien plus que dans la musique.

J’aime bien aussi le groupe Underground System. Il vient de New York et fait un mélange de funk et d’afrobeat avec une chanteuse très charismatique.

J’ajoute Bodega qui est un groupe de rock de New York aussi, très influencé par la scène des années 70, je pense à James Chance, Suicide mais aussi à LCD Soundsystem. C’est un peu le nouveau son de New York qui déboule !

Sans oublier la scène rennaise avec Praa, Initial Bouvet Bernois et Atoem qui est un excellent groupe de musiques électronique qui jouera le vendredi en fin de soirée au Parc.

Jean Louis Brossard 2018 1 Les Transmusicales Rennes Franck Amouroux

Tout ça, ça va bien groover au Parc expo, c’est ce qui m’importe avant tout, c’est le groove !

Tout le programme du festival

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