Comment devenir écrivain quand on vient de la grande plouquerie internationale de Caryl Férey : petite leçon de vie drôle à souhait à l’intention des écrivains de province ambitieux, suivie d’un bref questions-réponses.

Nous avons déjà parlé à moult reprises de l’écrivain Caryl Férey dans ces très honorables colonnes consacrées à ce qui se fait de mieux en matière de création artistique.

Natalisalmon, Katerine et les autres regrettaient certes que je n’aie pas deux ans de plus (et moi donc), mais les gentilles m’invitaient dans leurs bras et même parfois dans leur lit où je pouvais m’enivrer du parfum de leur cou, m’imprégner de leur chaleur inconnue. J’avais la peau des rêves comme du pétale et elles avaient diablement raison : deux plus tard le monde allait basculer.

Non seulement Jimmy Connors allait gagner le tournoi de Windbledon mais aussi dans la foulée l’US Open*, qui plus est face à Lendl-la-Crevure, devenant ainsi l’incontestable numéro un mondial, lui, l’homme à la raquette en ferraille. Prémices des joies à venir, signe des temps, deux jours avant la finale américaine, une dénommée Carole à la voix douce éraillée vint vers moi et, visant le badge accroché à ma veste, me dit :

- Ah ? Tu aimes David Bowie ? (page 58)

Avec ce court texte autobiographique, Caryl Férey nous guide ici dans les cours de récréation de son enfance, sur les bancs des écoles, avec les amis relous d’alors, les premières conquêtes et le grand frère un peu nerveux et agressif qui lui sera plus tard d’une grande aide lorsqu’il s’agira de convoquer toutes ses énergies et sa concentration au service de ses ouvrages de littérature. Avec beaucoup d’humour et une verte verve jamais dépourvue d’autodérision ni d’insolence fine, Caryl Férey décrit ainsi à coup de grandes phrases souvent hilarantes les étapes qui l’ont conduit de la cambrousse de Montfort-sur-Meu jusqu’aux prestigieuses éditions Gallimard, en passant par le bar Le Chien Jaune à Rennes, les éphémères éditions Balle d’Argent, la Nouvelle-Zélande, les petits boulots alimentaires, les années de RMI et un travail acharné.

Mon premier éditeur fut donc Balle d’Argent, maison fondée en 1994 dans un bistrot de Rennes par un éditeur qui n’avait pas pris le temps de lire le manuscrit tellement ça le branchait. (page 97)

On notera également que, fidèle à ses premières amours punk-rock, Caryl Férey a eu la gentillesse de préfacer le recueil Sandinista, 36 nouvelles en 3 volumes de 36 auteurs différents consacré au légendaire album des Clash (Éditions Goater, 2017, Rennes), où l’on retrouve de nombreux auteurs bien connu dans le rutilant paysage littéraire rennais (Frédéric Paulin, Léonard Taokao, Stéphane Grangier, Sylvain Bertrand, etc.)

Petit ouvrage qui mettra du baume au cœur à tous les scribes de province qui ont besoin de savoir que la bonne fortune ne sourit pas qu’aux crapules issues des beaux quartiers de Versailles ou Neuilly, Comment devenir écrivain quand on vient de la grande plouquerie internationale vous réconciliera avec le genre autobiographique et vous consolidera si besoin dans l’idée d’aller jusqu’au bout de vos ambitions, même – et surtout – les plus improbables.

* Vous avez vu tous les artifices dont votre dévoué chroniqueur use pour parvenir coûte que coûte à parler de sports dans les augustes colonnes de votre webzine préféré ?

Comment devenir écrivain quand on vient de la grande plouquerie internationale, de Caryl Férey – Éd. Points, Paris – 2013 – 168 p. – 10 €.

Quelques questions à l’auteur :

- Si une statue en ton honneur devait enfin être érigée à Montfort-sur-Meu, à l’entrée est de la rue Saint-Nicolas, préfèrerais-tu qu’elle soit :

a) en marbre

b) en bronze

c) en cristal

d) en une matière plus rapidement biodégradable (mie de pain, confiture de rhubarbe, papier mâché…)

Une statue en purin – j’ai même demandé à un ami sculpteur comment faire pour que ça tienne (il a trouvé)…

- Ce talent de conteur qu’on te connaît te viendrait, en partie, de ta grand-mère. Tes petits-enfants à leur tour en hériteront-ils ?

Peut-être, ma fille finit son école de journalisme…

- Si tu étais une horloge, tu serais :

a) en avance sur ton temps

b) à quartz et à aiguilles

c) aligné sur le fuseau horaire du pays où se déroule l’intrigue de ton prochain roman

d) en permanence jet-lagué

Une horloge jet-laguée oui.

- Si ce sont Forrest Whitaker et Orlando Bloom qui furent retenus pour incarner Brian Epkeem et Ali Sokhala dans Zulu de Jérôme Salle (2013), quels acteurs pourraient bien être pressentis pour incarner les rôles principaux de l’autobiographie Comment devenir écrivain quand on vient de la grande plouquerie internationale ?

Comme acteur, un Belge genre Poelvoorde…

Enfin, un coup de cœur culturel, peut-être, pour les lecteurs·trices de L’Imprimerie Nocturne ?

Un coup de cœur pas politiquement correct, Bertrand Cantat, qui ne sait faire que de la musique et qui a payé pour sa peine (je déteste la censure et défends les femmes, ce qui n’a rien à voir).