Underworld USA, de James Ellroy

Underworld USA de James Ellroy : un roman-fleuve aux rives boueuses, aux bancs de sable traîtres et aux îlots de flamboyance insoupçonnés.

 

Ellroy_Underworld-USATroisième opus d’une trilogie un peu monumentale, Underworld USA nous embringue dans les sixties et seventies. On y suit les machinations, tergiversations, tribulations et autres malversations de Dwight Holly, barbouze du FBI sous les ordres du machiavélique Edgard Hoover (1895-1972) qui était tout sauf un poète. Inutile de préciser que Dwight n’a pas vraiment le même profil que l’agent spécial Dale Cooper (Kyle MacLachlan) dans la série Twin Peaks de David Lynch.

Sur fond de lutte à mort contre les communistes, les mouvements d’émancipation noirs et les hippies (ennemis de l’intérieur ô combien détestables et par là même éminemment désirables), il y est question d’un braquage sanglant, à Los Angeles, en 1964. Le fourgon de la Wells Fargo contenait un paquet de biftons et des belles petites émeraudes. Qu’est devenu le magot ? Scotty Bennett, un flic blanc un peu brutal du LAPD, est sur la piste du trésor. Crutchfield, un jeune orphelin infatigable et torturé dit « Trouduc » ou « Le Mateur », spécialisé dans les filatures tordues, les écoutes sauvages et aux fréquentations douteuses est lui aussi sur leurs traces. Un flic noir, Marsh Bowen, est lui aussi intéressé par le sort de ces pierres précieuses. Joan, une mystérieuse activiste rouge, et Karen, une pacifiste convaincue qui se contente de faire sauter des statues, deviennent pareillement des personnages à part entière dans cette fresque fascinante qui nous conduit de L.A. en Haïti, des côtes de Cuba à Washington et qui nous initie aux luttes intestines qui irriguent et scarifient la société américaine.

Peu à peu le puzzle se complexifie et s’éclaircit, en même temps que se font jour les turpitudes des agents spéciaux du FBI, le racisme et la violence d’une police corrompue, la perversion héroïque des âmes damnées, la déliquescence des hommes aux plus hauts niveaux de l’État prêts à tout pour porter le discrédit sur leurs adversaires politiques (qu’il s’agisse des militants de la cause noire ou ceux qui luttent pour la défense des droits civiques)… Portrait copieux d’une Amérique violente, cabossée, surarmée, dopée à tout et à n’importe quoi, riche de communautés disparates et d’antagonismes virulents, Underworld USA de James Ellroy se lirait presque d’une seule traite, en apnée, s’il n’était aussi épais.

Underworld USA de James Ellroy, 2009 – Traduit de l’anglais (USA) par Jean-Paul Gratias – Éditions Payot et Rivages, 2010 – Coll. « Rivages/Thriller » – 846 pages – 24,50 €.

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