La Taularde : l’impasse d’un système d’incarcération où se concentrent violences sociales et oppressions (physiques, architecturales, policières, pharmaco-chimiques, disciplinaires, juridiques…) tourné à Rennes.
Sophie Marceau est un peu au cinéma ce que Vanessa Paradis est à la variété française. Découverte tôt, avec La Boum (Claude Pinoteau, 1980), elle a marqué l’imaginaire populaire en incarnant Vic, dont les parents étaient joués par Claude Brasseur et Brigitte Fossey. Ce rôle est évidemment indélébile – comme « Joe le Taxi » collera éternellement au curriculum de V. Paradis quoi qu’elle tente.
Dans La Taularde, S. Marceau incarne une prof de français, Mathilde, écrouée pour avoir facilité l’évasion de son homme – braqueur de profession… On n’en saura guère plus sur le personnage, les hommes (si ce n’est le fils de Mathilde et un professeur de sports qui intervient en prison) n’étant guère présents dans ce film de femmes.
Si ce couple est improbable tant nous sommes redoutablement habitués à ce que les unions soient contractées au sein de catégories socio-professionnelles semblables ; si S. Marceau est au mieux presque crédible dans ce rôle de femme prête à sacrifier sa réputation, sa liberté, sa vie de famille et sa santé pour l’homme qu’elle aime, il n’en demeure pas moins que La Taularde offre l’occasion de visiter l’intérieur de l’ancienne prison des hommes boulevard Jacques Cartier à Rennes (aujourd’hui transférée à Vezin-le-Coquet), et ce, sans avoir à passer par les cases « Justice » ou « Injustice ».
Pas facile pour Mathilde (Sophie Marceau), au parloir de la prison, de demander à son fils (Benjamin Siksou) de lui ramener un téléphone portable, notamment parce qu’il devra se le glisser dans le cul pour passer les contrôles…
Ce drame, évidemment en huis-clos, est ainsi une dénonciation des conditions de vie en centre de détention (racket, promiscuité propice à la rédemption comme les murs de 4 mètres de haut érigés à Calais le sont à la bonne entente entre les peuples, absence totale d’intimité, travail dans des ateliers rémunéré selon des critères qui semblent avoir été conçus au Bangladesh ou en RPC, violences quotidiennes, corruption du corps fonctionnaire qui administre ces lieux de privation de liberté qui sont aussi et surtout des zones d’avilissement à petit feu et de perte de la dignité, saleté, injustices, aberration des peines accablantes, racisme, etc.). Il est aussi une occasion de revoir des actrices vues ici (Aurore Broutin) ou là (Suzanne Clément) voire là (Marie Denarnaud) et appréciées. Variés, colorés, les seconds rôles dans cet univers carcéral féminin démontrent, même dans des circonstances particulièrement défavorables, la vitalité du tissu social et des interactions qui, petit à petit, permettent à la lumière de s’insinuer. En ce sens La Taularde est une œuvre éminemment utile, même si le choix du guide (une Vic qui, devenue adulte, aurait mal tourné – ce qui, convenons-en, est un comble pour une actrice) prête à sourire.
Merci pour cet article et pour les nombreux autres qui paraissent.
Je souhaite ajouter une correction concernant le lieu de tournage. Certes cela c’est bien passé à Rennes, mais à la maison d’arrêt Jacques Cartier, soit l’ancienne prison des hommes.
Bonne continuation,
Merci pour cette précision ! En effet, ça m’étonnait que le film ait pu être tourné dans l’actuelle prison des femmes, derrière la gare, alors qu’elle est encore affectée à ce triste usage. On va modifier ça dans l’article. Bonne continuation à vous également.