Rencontre avec le duo Eyjafjöll

Nouveau duo rennais d’électro, Eyjafjöll, c’est des clips léchés, un univers festif un brin mystique, un son volontiers planant et une envie farouche de faire le show. Rencontre.

 

L’Eyjafjöll (dans le comté de Rangárvallasýsla) culmine à 1 666 mètres d’altitude. Et vous ?

Chez Eyjafjöll, faut savoir qu’on touche les étoiles les bras levés sans se lever sur les pointes de pied. 1666 mètres, c’est bien, mais on fait mieux si tu vois ce que je veux dire, et ça, c’est pas dans des positions du style l’un perché sur les épaules de l’autre. Une fois, au lieu de toucher les étoiles, on a même réussi à toucher les origines de l’Humanité. C’était sympa de faire quelques chatouilles à des australopithèques, mais ils faisaient quand même plutôt style bolosses à même pas savoir allumer un feu quand même…

Le þorramatur (à base notamment de súrsaðir hrútspungar, soit des testicules de mouton cuits dans leur jus et macérés dans le lait aigre) fait partie du patrimoine gastronomique islandais. Et vous, quel est votre petit péché mignon culinaire ?

Ouais, on connaît le þorramatur… c’est dégueulasse. C’est bien pour se foutre de la gueule des touristes en Islande. Une fois ça m’est arrivé de sortir à poil d’un sauna en Finlande, de courir dans la neige et sauter la tête la première dans un trou d’eau de mer qui était gelée autour. C’est un pote finlandais qui m’avait dit que tout le monde le faisait. Je l’ai fait, c’était cool, mais quand j’en ai parlé à d’autres Finlandais dans la soirée, ils avaient plutôt les yeux écarquillés… Ok. Je crois qu’on est tous les touristes de quelqu’un d’autre, mais bon, à ce jeu-là, t’inquiète chez Eyjafjöll, on est plutôt blindés. Pour en revenir à la bouffe, pète-moi un biryani de bons légumes avec du riz et surtout, fais péter de la coriandre dessus. Mmmh, la coriandre! Sans oublier une bonne bière bien fraîche (belge la bière, hein, faut pas déconner non plus).

La dernière éruption en date de l’Eyjafjöll a duré 7 jours (du 20 au 27 mars 2010, après 187 ans d’inactivité). Vos concerts durent à peine une heure. Comment expliquez-vous cette différence ?

Ben, c’est pas compliqué, 7 jours de concert, on s’est dit, ouais, on peut le faire… On a les tracks, on a la forme et tout. Après, on s’est demandé, est-ce que c’est bien judicieux tout ça en terme d’attention du public et d’affect. Dès le premier jour de l’éruption, le volcan a fait chier tout le monde en Europe et en terme de feedback, autant tout le monde était au courant, autant c’était carrément pénible. Tu me diras, une mauvaise publicité, c’est toujours une publicité… ça c’est des conseils à la Jacques Séguéla, et de toute façon, on veut pas de Rolex chez Eyjafjöll. On s’est dit qu’une heure, c’était bien et que même si on balance de la musique qui n’est pas faite pour plaire à tout le monde, les gens sont quand même bien contents en fin de set ! Ils ont voyagé au moins et ça leur a coûté carrément moins cher qu’un billet non remboursable low cost de chez Ryanpute.

Vous vous appelez Eyjafjöll et faites de la musique à tendance électro indie. Si vous vous étiez appelés Brahmapoutre, vous auriez fait du rock suédois ?

Hein ? On aime le rock, ça c’est sûr, mais c’est pas la poule qui fait l’œuf, c’est bien l’œuf qui fait la poule et pas l’inverse, faudrait pas nous interpréter à l’envers et faire des contre-sens à tort ou à travers. Enfin, vice et versa si et seulement si quoi !


« la musique que l’on a écrite est jouée en direct avec des synthés virtuels sur ordinateur contrôlé en direct avec des prises de risque »

Pourquoi être 2 sur scène alors qu’il y a des DJ comme Sven Løve qui jouent seuls ?

Ben, faudra que tu revoies les concepts de live et de dj-sets en musique électronique à la base, mec. Sven est dj (bon faudra peut-être aussi revoir le concept de disc-jockey et de poseur aussi à un autre moment) et, effectivement, si t’es plus d’un pour faire un dj-set en passant la musique de producteurs dont t’as pas grand-chose à foutre parce que t’es pas foutu d’écrire ta propre musique, c’est qu’en général le ou les autres qui t’accompagnent sont là pour fumer des clopes, lever les bras en l’air, repérer les gonzesses qui pourront venir les aduler en backstage et boire des bières sur scène. J’appelle pas vraiment ça de l’art, mais plutôt une belle putain d’arnaque bien markétée : ça dépend ce que tu recherches. C’est un peu comme si tu disais que la Buckler est une bonne bière quoi… Elle a un super goût, et bien beurré, je suis sûr que je te la fais boire pour une bière alcoolisée! Ça dépend ce que t’aimes boire… Du côté d’Eyjafjöll, il s’agit bien d’un live : c’est-à-dire que la musique que l’on a écrite est jouée en direct avec des synthés virtuels sur ordinateur contrôlé en direct avec des prises de risque et un bassiste qui, s’il pète trois cordes sur cinq sur sa basse, ben, tu l’entendras forcément et tu seras pas content. Le set live côté électronique est effectivement contrôlé par le biais de l’ordinateur. Le contrôle reste humain avec des risques, et il sonne bien comme ça ! Dans l’absolu, on aimerait bien aussi le jouer à trois ce live avec un percussionniste. De toute façon, tu mets bien le doigt sur une bonne problématique, comment savoir qui fait quoi sur une scène de musiques électroniques. Une belle majorité de fans de musiques électroniques ne sait pas faire la différence de ce qui est en train de se passer sur scène. C’est électronique et c’est à la base très compliqué de maîtriser cela. Pour que ça sonne, c’est beaucoup plus compliqué à la base d’apprendre la musique électronique que de jouer du banjo ou de la flûte de pan. Pour le banjo ou la flûte du pan, t’as qu’à toucher l’instrument ou souffler dedans et tout le monde comprend comment ça fonctionne en direct. La musique électronique, déjà, quand tu souffles dedans, ben, ça fait rien et, quand tu la produis avec tes petits doigts boudinés, faut vraiment s’accrocher (c’est cérébral, pas hyper sensationnel à la base)! Après, en live, y’a plein de manière de la jouer et celle que tu as vue, ben c’est la nôtre. Je me rappelle d’un set-live d’Arnaud Rebotini à l’Ubu en 2012. Le mec a que des synthés analogiques autour de lui avec des boîtes à rythmes et tout en hardware. Il n’a pas d’ordinateur avec lui, encore moins des platines vinyles ou CD. Y’a quand même eu une nana qui m’a dit à la fin de son set complètement dingue de son qu’ »il était super le dj d’avant! » en parlant de ce set live. Ok les gars… À la limite ta question n’a plus du tout de sens aujourd’hui, parce que tout le monde s’en fout de tout, non ?


« ça nous semble une nécessité de faire des choses pour les partager, pas tant donner notre version des choses, mais une autre version des choses »

Comment en arrive-t-on à fonder un truc comme Eyjafjöll, alors que vous pourriez très bien rester à glander chez vous à écouter des vieux vinyles de Supertramp ?

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Ben, déjà ce serait pas des Supertramp qu’on écouterait, mais plutôt des vinyles de rock tels que ceux de Tool, Pink Floyd, Cure, AC-DC, Pj Harvey ou Nick Cave (des trucs où il se passe des choses quoi et donc pas forcément que de la musique électronique non plus). Et puis, rester uniquement spectateur, c’est pas franchement notre truc. C’est cool de recevoir ce que les artistes balancent et on est plutôt des addicts en terme de musique live, après, ça nous apparaît nécessaire de renvoyer la balle. Ce serait triste si on ne prenait pas la peine de le faire et nous, ça nous semble une nécessité de faire des choses pour les partager, pas tant donner notre version des choses, mais une autre version des choses. Y’a un peu du situationnisme contre la société du spectacle en nous. Faire de la musique live, c’est engager un discours avec d’autres artistes, conquérir des publics. C’est vraiment triste cette société qui est devenue la nôtre dans laquelle on retire les moyens, l’envie de créer. Leurrer les gens en leur envoyant des produits musicaux markétés pour qu’ils plaisent à un maximum de monde à longueur de journée sur les ondes, mettre sur un piédestal des morveux sans aucune culture dans des émissions comme La nouvelle star/Star Académie/The Voice et faire passer ça pour de la musique et puis obliger tout le monde à bosser pour consommer cette merde et ne plus avoir de temps pour donner une autre version des choses. C’est juste de la merde qu’on leur envoie dans les yeux pour les aveugler et les soumettre à un système qui les dépasse avec des moyens auxquels ils n’accéderont jamais par difficulté ou par manque d’envie. Où est la créativité dans ce qu’on appelle globalement la musique aujourd’hui et où est le pouvoir de chacun de monter des projets et de le présenter à un public ? Présenter, partager va pour nous de pair avec écouter, chercher, découvrir. Chacune de ces actions devrait être un moteur pour les artistes qui sommeillent en chacun de nous. À savoir si chacun souhaite vraiment se réveiller et participer à un truc qui pour nous reste plus cool que la trigonométrie, le satanisme, les choux de Bruxelles, la pédophilie, le djihadisme et la religion en général, le football et les grèves sur la ligne 13 à Paris.

Quels sont vos projets d’éruptions pour les trois siècles à venir ?

Ben, on vient de sortir un album qui s’appelle Shining in the Dark fin mars. C’est énormément de boulot en terme de production, de promotion. On a fait deux clips, balancé ça à un sacré paquet de monde pour qu’on parle du projet. On a eu de très bons retours quand on en a eu, pas franchement ce qu’on aurait pu attendre par contre dans les médias et les réseaux sociaux avec les clips. Et puis on recherche des dates avec ça. C’est assez épuisant. Je crois qu’au final, on va surtout s’en remettre au bon vieux coup d’bol pour conquérir la planète! Être vu, repéré, au bon moment, y’a qu’ça de vrai. En tout cas, on est parti pour remettre le couvert jusqu’à ce que Jean-Pierre Pernaut crève.

Quelles musiques seraient capables de vous faire l’effet de la lave s’écoulant sur les flancs de l’Eyjafjallajökull (qui est comme chacun sait la calotte glaciaire qui recouvre l’Eyjafjöll) ?

On aime beaucoup un truc qui s’appelle Volcan en ce moment, c’est un projet qui vient de Bordeaux avec plein de synthétiseurs. Plus généralement, on oscille entre rock et musiques électroniques. On aime bien pour ça aussi le nouveau projet de Brice de DEAD qui s’appelle Giirls.

Écouter Eyjafjöll

Eyjafjöll, Shining in the Dark, un deuxième album de 7 titres, sorti le mercredi 25 mars 2015 chez Nazca Lines Records.

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