Samba d’Éric Toledano et Olivier Nakache

Samba : une comédie qui donne envie de danser… sur les cendres des centres de rétention.

 

Réaliser un film n’est pas un acte anodin, quand on considère le vaste chantier que pareille entreprise requiert. Écrire un scénario avec des situations et des dialogues qui tiennent la route ; gribouiller un story-board ; coordonner une équipe (consentante) importante ; trouver des fonds ; convaincre des distributeurs ; choisir des décors, des acteurs, des silhouettes, des ambiances, une bande musicale, des accessoires, etc. ; tout ceci et plus encore ne va pas de soi. Un film est forcément un morceau de bravoure. Une déclaration de foi radicale en l’art. Un engagement total. Un acte complet, profond, porteur de sens (tant pour ceux qui le créent que pour ceux qui le verront). En ce sens il n’y a pas de film raté, définitivement inutile (même si certains genres aux visées troubles sont, à divers degrés bien entendu, sacrément problématiques – tels que les films abusivement commerciaux, les films de propagande, les films expérimentaux, les snuff-movies, les films classés X ou les films de vacances de tonton Jean-Armand qui a même installé une caméra GoPro sur le guidon de son Vespa pour partager sur Dailymotion ses trajets quotidiens de chez lui à son bureau).

Samba n’échappe pas à la règle. Samba est un acte militant considérable. Traiter des sans-papiers, sans tomber ni dans le misérabilisme ni dans la charge politique contre cette ségrégation institutionnalisée par le refus de la régularisation, est le pari réussi par Éric Toledano et Olivier Nakache. Samba est aussi un parti pris : celui de la comédie. Car face au drame d’un lourd vécu sociétal, il est parfois bon de conserver intact le filtre de l’humour – de sorte que la leçon civique est, aussi, un aimable divertissement – d’autant qu’il est avéré que les émotions de joie ou légères qu’on peut ressentir sont parfaitement utiles lorsqu’il s’agit d’intégrer un savoir (autrement dit : la bonne humeur est un puissant outil pédagogique). Et en l’occurrence, il s’agit aussi, ne soyons pas dupes, de produire un succès, de faire en sorte que la chose puisse être a minima présentable et applaudie. Il ne s’agit pas que les foules se flinguent à la sortie des cinémas…

À l’heure où le problème des sans-papiers semble bien considéré comme un non-problème par le quidam qui s’en satisfait, que ça n’empêche pas de dormir en tout cas, il est donc de salubrité publique, par tous les moyens qui s’imposent, y compris celui de la comédie populaire, d’aborder le sujet de cet abcès de nos sociétés modernes occidentales qu’est l’inhospitalité d’État.

Quand, en plus, c’est l’occasion de revoir la toujours admirable et touchante Charlotte Gainsbourg (cf. Trois cœurs de Benoît Jacquot, Son épouse de Michel Spinosa ou Jacky au royaume des filles de Riad Sattouf) ici en militante lunaire, fragile, insomniaque en convalescence, à fleur de peau, on ne saurait bouder son plaisir.

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Wilson le « Brésilien »(Tahar Rahim) et Samba le Sénégalais (Omar Sy) sur les toits de Paris, traqués, en chaussettes, dans une scène cocasse qui n’a rien à envier aux Fugitifs de Francis Veber (1986).

Pour aller plus loin dans l’exploration de ce thème, nous ne saurions trop vous recommander la lecture de cet ouvrage de la Cimade (consultée pour l’authenticité de Samba) : Chroniques de rétention 2008-2010.

Samba – Film français d’Éric Toledano et Olivier Nakache – Avec Omar Sy, Charlotte Gainsbourg, Izia Higelin, Tahar Rahim – Durée : 1h58 – Sortie le 15 octobre 2014

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