Vîrus + Arm : poésies du chaos

Alors que le Jardin Moderne de Rennes lançait sa saison le 24 septembre, c’est un concert bien particulier qui s’y déroulait le vendredi 25. Un double plateau rap avec Vîrus et Arm. Des poètes d’outre-tombe aux plumes contemporaines, retour sur la soirée.

Le concert était particulier à plus d’un titre. Tout d’abord car il s’agissait d’une reprogrammation, celle du tout 1er concert annulé par le lieu quelques jours avant le confinement au mois de mars. Ensuite, car maintenir un concert par les temps qui courent fait preuve de ténacité, d’organisation et d’imagination par les structures; le Jardin Moderne avait donc prévu un concert à table avec restauration, avec une petite jauge, pour pouvoir le maintenir. Passé l’effet de choc d’assister à un concert de rap assis, le plaisir de pouvoir en profiter est tout de même là. Et c’est « la boule au ventre » que Vîrus, qui n’a pas foulé une scène depuis le début de l’année, entre, accompagné uniquement par son « Dj fantôme ». Et ce sont d’ailleurs des fantômes de la littérature qu’il va convier pendant une heure.

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« J’ai entendu parler d’un homme libre
Qui utilisait des mots pour soigner son homonyme
Des mots, des mots et des démos démodées… »

Les mots, la spécialité de Vîrus (qui porte bien son nom vu la période, encore une technique marketing sûrement) qui a entrepris de reprendre Les Soliloques du pauvre de Jehan-Rictus (1867-1933); un projet abouti avec un livre disque paru en 2017, et qui redonne ses lettres de pauvreté à un poète qui a fait des « fout-la-faim » le cœur de son œuvre. C’est donc avec la voix de Jean-Claude Dreyfus que le live commence et enchaîne avec le titre « L’hiver ». Première claque qui pose l’ambiance, le rappeur avait bien prévenu qu’il faisait dans le stand-up et l’humour dans son spectacle Les Soliloques du chaos. Pour rester dans la continuité il enchaîne avec « Des fins » puis « Champion’s league », qui sont cette fois ses propres compositions. Et tout le set, qui verra aussi les textes de Jules Vallès ou Paul Paillette poindre ici ou là, tiendra sur cet équilibre mystérieux et efficace : incarner des paroles des XIX et XXe siècles qui font écho avec celles de Vîrus lui-même.

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Car Vîrus incarne aussi l’errance, notamment avec le titre « La Nuit se lève » (sur une prod d’Al Tarba). Incarnant avec force les superbes textes « Espoir » et « Prière », il fera ensuite mine d’un rappel organisé pour clôturer avec « #31# » : « Moi, je suis une balle, je ferai pas demi-tour // Soit j’me tire, soit j’me loge au beau milieu d’un discours ». La cible est atteinte.

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« Coupe les feux retiens la nuit »

L’aventure de Psykick Lyrikah définitivement loin derrière lui, c’est accompagné par Thomas Poli et Pierre Lucas aux machines que le rappeur crépusculaire Arm entre à son tour sur scène. Et c’est avec le 1er titre de son dernier album Codé qu’il introduit sont set : « Collatéral ». Une ambiance de nappes tantôt oniriques ou plus percutantes qui prolonge sans problème le set de Vîrus (rare rappeur français qu’il apprécie précisera-t-il). De « On » au titre « Assaut » issus de son dernier disque en faisant une incursion sur Dernier empereur (2017) avec « Ta main » et « De passage », Arm déroule sa poésie de l’éphémère, de soleils éteints et de nuits flamboyantes.

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C’est donc dans une ambiance urbaine et nocturne que résonnent grosses basses et atmosphères planantes, jusqu’au titre ( apparemment visionnaire !) « L’apparition des masques ». La langue d’Arm claque et percute toujours autant. »Y a pas d’jeu on l’fait pour de vrai (…) j’suis dans l’feu j’écris l’bord du ciel » y écrit-il sur ce titre qui clôture l’album, avec la voix de Vîrus en écho. De quoi finir le concert avec le seul titre en featuring du disque, « Cap gris ». Avec Vîrus. Deux plumes, deux micros, pour ceux qui sont « al mais ailleurs ».

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// L’Imprimerie remercie Ulysse maison d’artiste pour ce concert

et le Jardin Moderne pour leur accueil

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