Les feuilles commencent à tomber une par une. Après XXXTentacion et Mac Miller, Charles s’en est aussi allé. Le rap, et ce n’est pas nouveau, s’inspirait et s’inspire encore des anciens de la variet’ avec l’art du sampling. Mais pendant que les feuilles chutent, d’autres graines poussent. Youssoupha, Alpha Wann, VII, Népal et Columbine grandissent dans leurs sillons. Bienvenue dans cette 20e sous l’œil du C. Come on yo !
« Un jour, mon fils m’a demandé si j’étais riche
C’est à l’école qu’on lui a dit, il avait pas compris si c’était de la chance
La vie n’est pas rose donc comment expliquer les causes ?
On n’connaît que le prix des choses, on ignore la valeur des gens »[Avoir de l'argent] Youssoupha
ÇA VIENT DE SORTIR ///
- VII – X
Le rappeur à chiffres fait ici son numéro X et commence par interroger dans le temps; remettre l’Histoire avec sa grande Hache à sa place dans les mains du bourreau, relater son dégoût de l’époque d’un fascisme larvé. Se perdre dans le temps mais pas dans le troupeau : VII ne suit en tous cas pas les codes si ce ne sont ceux des beats qui s’écoulent de manière presque souterraine. Car c’est la voix du rappeur qui prend le dessus, comme « s’il venait du futur », apporter « la paix, rien n’est plus fragile, car « la guerre est à la portée du 1er des imbéciles ». Sur son bout de rocher matant une lune noire, l’avenir que scrute VII est bien noir, mais a peu près aussi sombre que le présent. Le labyrinthe est sans fin mais il semble amorcer une rupture. « L’intelligence artificielle devient championne du jeu de go » et risque bien de nous mettre en échec et mat, comme le signait Zippo dans son album contre les robots. Avec des extraits samplés de séries ou films, un feat. avec Skalpel, VII continue de taper sur les écrans, et c’est en quelques pixels que l’horreur apparaît. Quand « le troupeau admire l’architecture de l’abattoir ».
- YOUSSOUPHA – Polaroïd Experience
Il a pris du poids depuis ses fumeux couplets sur « Grand Paris » ou « Musique nègre » où il s’est imposait en maître. Youssoupha sort son 5e album avec Polaroïd Experience. Inspiré des photos d’enfance du rappeur, c’est aux environs de la quarantaine que Youss’ fait revenir ses souvenirs à la surface. Mais pas que ! Avec un panel de couleurs aussi large qu’une playlist de l’IN, Youssoupha a diversifié le genre dans son rap. C’est le cas par exemple « M’en Aller » à la prod très grimesque. Ou encore avec cette instru à la Fauve sur « Avoir de l’argent ». Une prise de risque assumée reflétant les périodes diverses de sa vie. Celui « qui attend de devenir riche pour aimer une exception » (ceci n’est pas un épisode de Friends) n’hésite pas à employer son savoir-faire et à évoluer. Aujourd’hui, il chante ! Ça plaira ou pas ! Le Parisien emploie même des moments de douceurs avec de la gratte sur « Les sentiments à l’envers », un titre à la Oxmo sur les bords. Alors quoi prendre ? Repérons l’excellent « Alléluia / 1989″ avec un Youss tranchant comme on l’aime et « Niama Na Yo » et sa trap et au rap exotique. De la classe biberon dans le rap, aux dédicaces à ses proches (un peu trop « mielleux » pour ma part), en passant par des tacles engagés envers les politiques ou un peu plus léger pour l’auto tunes, le prims parolier livre un album honnête, sans pour autant décoller autant qu’espérer. Allez, souriez ! Le dernier titre annonce de sacrés featurings pour la suite des évènements. Sii siiii ! Ça vaut le coup d’œil juste pour ça !
- COLUMBINE – Adieu bientôt
« J’fais plus de session gaming que de session studio. » Les plus « pop » des rappeurs repartent pour un tour. Et ils sont rennais ! Oui messieurs dames ! Columbine revient après un album à gros succès avec Enfants Terribles. Columbine, collectif de 8 membres, est à la fois une ode à l’adolescence, à l’esprit naïf et vulnérable que représente cette période avec Elephant de Gus Van Sant, en film de chevet. Columbine, c’est aussi Colombe associé à « INE », le numéro étudiant. Spontanément et à l’image du premier morceau, les voix du crew surprennent dans le milieu rap. Adieu bientôt poursuit une solide aventure avec des productions parfois sombres, parfois enfantines (et non infantiles). C’est en criant qu’on entame le premier titre avec « Jrefaiscequejevois ». Les influences, les relations avec les filles, les références cultes à base de name-dropping sortant des grilles de lectures « basiques », les Rennais s’écartent de la loi du plus fort qui accablent de temps en temps le rap. Avec des phases chantées à la tonalité un peu troublante, avec des phrases qui visent parfois dans le mille rappelant la « simplificacité » d’un PNL, Adieu bientôt tire son épingle du jeu même si les 20 morceaux peuvent faire ressentir un parfum de redondance. Des titres à retenir ? « Mirador », « Cache-cache », le légendaire « Bart Simpson » où l’on comprend que les sapes ne sont pas la priorité du groupe, Columbine a fourni un album sensible et touchant. Aïe ! Et à très vite !
- NEPAL – KKSHISENSE8
Le « fils spirituel de Kakashi Hatake » revient sans shuriken mais avec du verbe. C’est même le dernier EP avant l’album ! Avec Naruto en point d’appui, KKSHISENSE8 s’impose comme un énième gris-gris mystique tout droit sorti de nulle part. Un 8 titres pour compléter notre sommeil paradoxal et nos 445 nuits. Nepal, aka Klm en tant que beatmaker, prend de nouveau les pleins pouvoirs pour s’offrir le luxe de faire c’qu’il kiffe : les petits détails. Les petits reverses qui font la diff sur « Babylone », les bell de « Evisu », les ronflements qui montent en puissance sur « 150CC » et j’en passe. Nepal c’est d’abord un langage. « Crypté » dirait Alpha Wann, un « Polaroïd » pour Youss’. C’est posé que ses seize débutent sur le premier morceau. Le plus couvert des rappeurs dévoile enfin une info : il aurait quasiment la trentaine. Car on ne sait pas grand-chose de celui qui se prénomme Clément, toujours bien caché comme un ninja. Ou seulement derrière sa musique et ce n’est pas plus mal. KKSHISENSE8 propose un univers à part, à l’image de son maître. On aperçoit au loin le très bon Gracy Hopkins qui monte petit à petit avec son franglais, mais aussi Doums et Bohemian Club. Les couplets proposent un vrai casse-tête pour les amoureux des lettres. Ajoute à ça une ambiance particulière et un grain de folie qui se rajoute au sablier et c’est douceur assurée ! Comme un apprenti, il te faudra un peu du temps pour te l’approprier mais Nepal délivre encore d’excellents skuds et kamehameha ! Ceux ou celles qui ne suivent pas Naruto (comme moi) risqueront d’être un peu perdu·e·s ou, à l’inverse, iront s’emparer de l’œuvre. Un conseil ? Suivez le guide !
- ALPHA WANN – Une Main lave l’autre
Une Main lave l’autre. Ce proverbe grec, signifiant qu’il faut se rendre service l’un à l’autre, invite Alpha Wann à sortir son premier album après 3 EP écoulés. L’éternel espoir du rap français (hello les footix) va-t-il enfin marquer le rap de ses seize ? Lui qu’on connaît comme un performeur hors pair ? Avec un 16 titres, un nom d’album qui incite à l’écoute ou bien à l’illicite (on se calme), la première écoute de UMLA annonce une couleur et une émotion : « Noir et stupéfiant ». Et pour notre grand bonheur, les singles qui ont bien tourné sur YouTube ne sont pas les seuls bons titres. Bien que quelques phrases malheureuses sont à redire (la valeur sexiste ou homophobe a encore besoin de retravailler son fond de teint), Une Main lave l’autre a d’énormes côtés positifs. Parce que rien n’est tout noir, ni tout blanc, Alpha Wann cisaille « le milieu comme Ronaldo à l’Inter de Milan ». Précis tel un chimiste, Alpha maîtrise réellement son art. La teinture de l’album et la qualité des prods y sont pour beaucoup ! Ultra travaillé à ce sujet, on ne s’ennuie pas à l’écoute de l’album. Les feats aident en ce sens : la qualité du phrasé d‘Infinit, l’assurance « tous risques » Doums ou encore Sneazzy, le Parisien s’entoure agréablement bien malgré l’absence (justifiée ?) de Nekfeu. Mention ultra spéciale à « Olive & Tom », « Le Piège », « Langage crypté », « Fugees » et le morceau éponyme. Non sérieux, ça mérite plusieurs écoutes ! J’étais pourtant sceptique. Mais à croire que même la fosse à ses raisons. Certains parlent même d’un classique… Qu’on soit clair comme de l’eau de roche, « Alpha et UMLA ça va ensemble » ! Enjoy !
« Je ne voulais pas sauver le monde
J’voulais voir Paris sous les bombes »
[Cache-Cache] Columbine
LES AUTRES ALBUMS [EN UN CLIP] ///
93 Empire - 93 Empire / PLK – POLAK / Odezenne – Au Baccara / Joe Lucazz – Carbone 14 / Rim’K – Mutant / Slim Lessio – Fruit 2 paix / Scylla & Sofiane Pamart – Pleine Lune
« Si t’es au stud’ comme à l’usine, Babylone a gagné »
[Babylone] Nepal
ÇA VA SORTIR BIENTÔT ///
- 19.10 : Jarod – Test Micro
- 19.10 : Joe Lucazz - Carbone 14
- 19.10 : OZ & Mani Deïz – Pour Toujours
- 19.10 : Sniper – Sans Transition
- 19.10 : Oster Lapwass – Pense bête
- 19.10 : Sch – JVLIVS
- 19.10 : Sniper – Personnalité suspecte Vol. 1
- 26.10 : Flynt – Ça va bien s’passer
- 26.10 : Hors Piste & Mani Deïz – Deïz Mesures
- 02.11 : Vegedream – Marchand de sable (Réédition)
- 09.11 : Kery James – J’rap encore
LE CLIP RENNAIS ///
ÇA GROOVE À L’OUEST !
Au 1988 LIVE CLUB :
- 9.10 : Indigo #14 w/ Dave Luxe
- 20.10 : Hoodboyz Party w/ Dinos x Dj Sauza x Dj Hoodboyz
- 24.10 : Dj Hustler All Night Long
- 25.10 : Loop In Da Club
- 26.10 : Al’Tarba & INCH + Senbeï
- 26.10 : Hip Hop Theory : Dirty Swift x Ober x L’Animalerie
- 31.10 : DJSVP « Young blood » Special Samhain Party
- 17.11 : Necro x DJ Marrrtin
- 23.11 : Evidence
À l’Ubu :
- 06.11 : Baloji
- 15.12 : Doums & Népal
- 17.01.19 : Columbine
À la MJC Bréquigny :
- 24.11 : Bad Fat feat Napoleon Maddox
À Laval :
- 19.10 : D-Ace (SCONAM – Festival J2K)
- 27.10 : Kohndo (SCONAM – Festival J2K)
- 23.11 : Isha + Le 77 + Di-Meh (6PAR4)
« J’sais pas lire une partition mais j’suis disque d’or »
[Bart Simpson] Columbine
WHO SAMPLED CHARLES AZNAVOUR
« Savoure, savoure, savoure, Kamelancien c’est du lourd comme Aznavour ». Le chanteur né sous le nom de Shahnourh Varinag Aznavourian est décédé le 1er octobre 2018; non sans laisser bon nombre de mélodies réutilisées dans le rap français mais aussi à l’international. Malgré des déclarations qui ne sont pas passées inaperçues en janvier dernier, nous avons décidé de faire un tour d’horizon de cette reprise de boucles, pour garder la saveur de certains titres.
Rainmen ft. Fonky Family – « La vie des gens pauvres et misérable »(1998) /// « Comme ils disent » (1972)
La crème - » L’alba » (2003) /// « Hier encore » (1964)
Common – Stolen Moments, Pt. 1 (1997) /// « Happy anniversary » (1996)
Oxmo Puccino – « Soleil du Nord » (2009) /// « Emmenez-moi » (1967)
Dr. Dre ft Eminem & Xzibit – « What’s the Difference » (2003) /// « Parce que tu crois » (1965)
Passi – « Émeutes » /// « Désormais » (1973)
Ideal J – « Évitez » (1998) /// « Les deux pigeons » (1963)
La Rumeur – « Blessé dans mon ego » (1997) /// « Qui ? » (1936)
Ici, c’est racisme et vente d’armes, des clodos à chaque station
Tu l’appelles Mère Patrie, j’l'appelle Dame Nation
J’te l’dis et c’est aussi vrai qu’en enfer, y’a pas d’glaçons »
[Le Piège] Alpha Wann