Le grand incendie de Lyon par Lucio Bukowski

Du côté de la Croix-Rousse, quelques gones commencent à faire parler d’eux. Ceux qui ont lu dans leur enfance Les Enfants de la Croix-Rousse de Bronzon sauront qu’il est ici question de Lyon. Le décor a changé, les gones ont abandonné en haut d’un talus leurs patins à roulettes pour aller chercher des micros, et ils traînent désormais chez Oster Lapwass. Comme un certain Lucio Bukowksi.

 

Oster Lapwass, une usine à productions de beats en tous genres et qui sert au mieux l’Animalerie. Mais de quoi s’agit-il ? D’un dj et d’un collectif de rappeurs, plus connus sous le nom de Lucio Bukowski, Kacem Wapalek, Anton Serra et Dico pour ne citer qu’eux. Après des flopées de mixtapes, souvent disponibles en téléchargement gratuit, Absence de veine dans un monde sans gain paraît en 2011 ; sorte de compilation des réalisations d’Oster Lapwass avec un florilège de rappeurs (mention spéciale aux « Fées » de Marie, juste parce que les femmes sont trop peu souvent présentes dans le milieu). Puis Anton Serra sort cette année Sale Gones, et c’est l’escalade. L’Animalerie produit à tour de bras, et le choix du disque à chroniquer s’avère cornélien. Alors penchons-nous sur l’actualité puisque Lucio Bukowski vient de sortir Le feu sacré des grands brûlés.

« Un jour j’ai choisi l’encre, jeté le reste par-dessus bord, pratique un langage obscur manière Guy Debord ; demain la culture disparaîtra comme Ben Barka, ne lis jamais le journal, sauf celui de Kafka »

 

Lucio a avalé un dictionnaire quand il était petit, et il est devenu son meilleur pote (si, si, il est en featuring avec Dico sur le titre « Pour l’exemple »). Il est aussi tombé dans une marmite d’encre, lui donnant une écriture noire et puissante. Force est de constater que la touche replay s’enclenche souvent une fois Lucio Bukowski lancé, rien que pour le plaisir de réentendre une punchline qui embrase les oreilles. Sûrement pour ça qu’il parle des grands brûlés. Et en effet, ça crame à l’essence sur ce six titres, ça pue la fumée d’un désabusé notoire qui aurait voulu coucher sur le papier les pensées d’un Desproges sous temesta. Humour noir quand tu nous tiens.

« Le mauvais goût domine du coup y a des talents qui s’gâchent
et sur Youtube j’ferais moins d’vues qu’un chat qui scratche »

 

Le nouveau mc de rêve ? Ne nous enflammons pas trop vite pour ce feu sacré, les rappeurs aiment trop se vanter de leurs exploits stylistiques (c’est de bonne guerre, c’est souvent pour la rime), et l’Imprimerie ne voudrait pas faire de jaloux. Bon. Tant pis. Les Lyonnais se placent ailleurs, quelque part au sommet d’un Olympe constitué d’un empilement de phases géniales. Flow au niveau, cohérence dans les propos, qualité des instrumentaux et des textes, une bonne dose de vannes à la minute, de la nostalgie ou du cynisme, tout y est. L’Animalerie, une machine à écrire mentale avec un fil de références variées en guise de ruban encreur, les rappeurs maniant le clavier et le beatmaker leur filant à chaque fois une nouvelle feuille de papier carbone.

Alors si vous avez la poisse et que vous voulez rire de vos malheurs, ou tout simplement déguster quelques textes, filez chez Oster La Guigne. Et achetez-vous un dictionnaire avant d’entrer.


Le Feu sacré des grands brûlés -Oster Lapwass / Lucio Bukowski / Dico (CDK) / 2M2X
Un album de 6 titres + un instrumental paru le 20 août 2012 chez Oster Lapwass
1 – Feu grégeois
2 – Pour l’exemple (feat Dico)
3 – Nœuds gordiens
4 – C’est pas du rap
5 – Le feu sacré des grands brûlés
6 – Demain sera
7 – Le feu sacré des grands brûlés (instrumental)

2 comments

  1. Trés bon article, ils gagnent à être connus

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