Plaire aimer et courir vite, de Christophe Honoré : une histoire d’hommes amoureux et de virus contagieux.
L’homosexualité sur grand écran et pour le grand public est un phénomène assez récent et plutôt marginal – même si on a en tête le superbe La Triche de Yannick Bellon avec Xavier Deluc, Victor Lanoux et l’inénarrable Michel Galabru (1984), le punchy La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche (2013) ou le très percutant 120 Battements par minute de Robin Campillo (2017). Avec Plaire aimer et courir vite, Christophe Honoré contribue à ce que le tabou s’émiette un peu plus.
Ici, on plonge dans les années 90. À Rennes et à Paris. En soi, ces 2 éléments pourraient déjà presque suffire à contenter les esprits chagrins. Cabine de téléphone à carte, Minitel, cigarettes autorisées dans les lieux publics avec des paquets glamour où la marque apparaît encore, cassettes audio et walkman, auto-stoppeurs sur le bord des routes et slips kangourous… Une époque révolue est évoquée. Voilà pour la déco et les accessoires. Quais de la Seine, Beaubourg, métro Corvisart et vue sur la Tour Eiffel, voilà pour les panoramas de la capitale. Salle Louis Jouvet au TNB (voir ci-dessous), parc du Thabor, hôtel Arvor, place du Parlement ou quais de la Vilaine, voilà pour la capitale bretonne qu’il est toujours assez passionnant de voir sur grand écran (cf. Suite armoricaine de Pascale Breton, 2016).
Le romantique Arthur (Vincent Lacoste) et l’audacieux Jacques (Pierre Deladonchamps) profitent de la pénombre d’une salle obscure pour faire connaissance…
Au-delà de ces atmosphères concoctées avec soin, il y a des histoires d’amour et de mort, de maladie et d’agonie, de désespoir et de joie à défendre. Quelques scènes sont ainsi sans doute inoubliables, comme les confidences dans la baignoire entre deux ex-amants chamboulés. Ou les adieux de Jacques (Pierre Deladonchamps) à la vie et à son bon ami à moustache (Denis Podalydès), avec cette phrase qui a valeur de maxime éternelle « Promettez-moi de saillir la beauté ».
Ces scènes d’amour et de tendresse, de pudeurs et d’impudeurs, apportent ainsi une pierre bien taillée à l’édifice – toujours fragile – de la lutte contre l’homophobie – pour rappel, la société rennaise Keolis vient de refuser de placarder sur ses bus ou dans le métro les affiches annonçant la Marche des Fiertés du 16 juin prochain.
Nota bene : Pour la petite histoire, ce qui est drôle, c’est que votre dévoué chroniqueur arpentait la semaine passée cette même plage binicaise, escamotée par la digue, au pied de la falaise, où le Costarmoricain Arthur (Vincent Lacoste), tombé amoureux de l’écrivain parisien (Pierre Deladonchamps), promène les enfants de la joyeuse colonie de vacances dont il est le directeur. Comme quoi, le monde est petit et le cinéma et le réel n’ont pas fini de s’entremêler les faisceaux.
Plaire aimer et courir vite – Comédie dramatique française de Christophe Honoré – Avec Vincent Lacoste, Pierre Deladonchamps, Denis Podalydès (de la Comédie Française) – Sortie le 10 mai 2018 – Durée : 2h12.