La mécanique de l’ombre avec François Cluzet : un polar sur les coulisses pas très glorieuses des secrets d’État (pas non plus très reluisants).
À L’Imprimerie, nous sûmes déjà nous pencher sur la mécanique quantique ou la mécanique du cœur. Aujourd’hui c’est la mécanique de l’ombre qui retient notre attention.
Comment devient-on agent secret ? Et quels bénéfices en escompter ? Et surtout quels risques encourt-on ? Autant de questions que les lecteurs·trices de l’Imprimerie se sont sûrement déjà posées plus d’une fois en se rasant le matin devant leur glace ou en s’appliquant du rouge à lèvres en essayant de pas déborder sur les commissures.
Pour gagner sa vie, au risque peut-être de la perdre, le consciencieux Duval (François Cluzet) écoute les secrets des autres.
Concernant Duval (François Cluzet), c’est suite à une perte d’emploi – il était un comptable un peu trop méticuleux et sollicité, dans une grosse boîte parisienne déshumanisée, ce qui engendra un burn-out particulièrement bien résumé dans une mise en scène mettant en lumière ce problème des sociétés modernes – qu’il est recruté. Comme quoi, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Et comme il ne trouvait pas à se faire réembaucher, l’offre des services secrets est la bienvenue pour renflouer ses comptes et occuper son temps, son corps et son esprit. Évidemment, ce nouvel emploi n’est pas sans danger. Effleurer les affaires d’État classées « Secret défense » expose celui qui s’y frotte à s’y piquer, à se faire exploser le portrait et à se faire incorporer, inextricablement, à des magouilles aux rouages complexes, difficiles à stopper.
La mécanique de l’ombre, celle des ténèbres impitoyables, broie des vies humaines. Et elle n’est pas facile à enrayer, surtout quand, comme Duval, chômeur alcoolique abstinent depuis à peine un an, solitaire et casanier, amateur lugubre de puzzles de 1000 pièces, on n’a ni la préparation ni le mental d’un barbouze opérationnel.
Admirable dans Médecin de campagne, de Thomas Lilti (2016), Cluzet revient ici dans un polar assez dépouillé, toujours avec cette même aptitude à incarner l’humain des temps modernes, avec ses forces, ses limites, ses charmes, ses déboires.