La Isla Mínima, d’Alberto Rodríguez : une virée dans les marais moites du Sud rural de l’Espagne post-franquiste.
Septembre 1980, Andalousie (NB : vue du ciel, c’est sublime). L’Espagne sort à peine de l’ère Franco (1892-1975), lequel « Generalísimo Francisco Franco, Caudillo de España por la Gracia de Dios » a laissé, dans les esprits et dans les mœurs, son empreinte et quelques nostalgiques thuriféraires derrière lui.
Dans les marais du río Guadalquivir, deux flics – un vieux briscard moustachu un peu porté sur la bouteille et le jupon, Juan/Javier Gutiérrez, et Pedro/Raúl Arévalo, jeune futur papa également moustachu – doivent quant à eux retrouver la trace de jolies jeunes femmes disparues – leurs cadavres estropiés étant la petite note d’érotisme (douteux) de ce polar ibérique. La Isla Mínima, c’est donc vintage, ça roule en Chrysler, ça traque de la Citroën Dyane sur du chemin de terre – que Juan dessine sur son calepin car évidemment, en 1980, Internet et les tablettes tactiles n’ont pas encore fait leur apparition. Le téléphone, filaire bien entendu, est à côté de la réception de l’hôtel où les deux flics sont descendus. Les photos, argentiques, sont tirées dans des labos à lumière rouge. Ça porte la moustache – les hipsters d’aujourd’hui n’ont décidément rien inventé.
Tels des Sardes farouches – ou des Corses, voire des Yéménites –, les Andalous du cru portent volontiers le fusil en bandoulière – ça, ça n’a peut-être pas changé des masses. Les tags franquistes fleurissent ici ou là. Les ouvriers journaliers sont mal payés, mais acceptent ces salaires au rabais – ça non plus, ça n’a peut-être pas pris une ride…
Dans cet univers de bayou des 80’s peuplé de rudes gars, de trafiquants de tabac et survolés d’oiseaux exotiques (oies, martins-pêcheurs, flamands roses, etc.), l’habile Juan (au passé opaque) et l’incorruptible Pedro (au futur qui, au vu de sa première paternité qui se rapproche, va se compliquer) font donc leur possible, en cette fin d’été pour faire aboutir l’enquête. Crimes monstrueux, omerta locale et hiérarchie incompétente, tel est leur pain quotidien. Opiniâtres, efficaces, ils mouillent toutefois leur chemise (de leur sueur et de leur sang) pour démasquer le·s coupable·s – qui roule·nt en Dyane et se cache·nt dans une auberge perdue au milieu des champs et des marais… nous n’en dirons pas plus, le spoil à tout-va n’étant pas notre fonds de commerce.