Durant le festival Oodaaq, l’artiste brestoise Anaïs Touchot propose sa performance Si j’étais démolisseur aux Ateliers du vent. Un bel écho à Quelles sont nos ruines ? puisqu’il s’agit ici d’une œuvre vouée à être détruite. Puis reconstruite. Anaïs a bien voulu répondre à quelques questions pour nous. Et aussi planter un clou.
■ Anaïs bonjour. Tu peux nous raconter un peu ton parcours ?
Je suis diplômée des Beaux-Arts de Brest, j’ai d’abord fait cinq ans en design d’objets. À la fin de cursus là je me suis souvent trouvée confrontée à la question « en quoi tu es plus designer que artiste ? », je trouvais qu’elle était bonne comme interrogation, je faisais pas des objets comme des tables et des chaises mais je réfléchissais plutôt à quoi ça servait de produire dans un monde déjà saturé par la consommation. Donc je me suis retrouvée en cinquième année d’art, où je pouvais sortir plus facilement du cahier des charges qui est demandé en design. Ça m’a permis aussi de plus profiter des ateliers extérieurs à l’école tout en produisant d’assez grosses pièces.
■ Tu présentes pour le festival Oodaaq une performance, « Si j’étais démolisseur ? » ; peux-tu nous éclairer là-dessus ?
C’est une performance que j’ai commencée en 2010. Ça partait d’un reportage que j’ai vu sur l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans, et comment les gens dans l’urgence déblayaient les rues. Il y avait des déchets partout, donc chacun mettait sur son espace, et étonnamment chacun mettait les éléments dans l’ordre : les éléments du sol au sol, les éléments du mur au-dessus, et ceux du toit encore au-dessus. Alors que c’était un non-sens total, c’était inhabitable, tout partirait à la déchèterie. Mais il y avait quelque chose qui me paraissait être du sentiment intuitif de symboliser une maison, un abri, quelque chose qui protège. Donc c’est parti de là, ça m’a interpellée, et j’ai voulu mettre en avant par cette cabane/maison, amener cette destruction, reconstruction. Cet acharnement à vouloir construire même si tout est voué à être détruit, que ce soit par l’homme ou par la nature, et ce besoin d’habiter les choses.
Finir à temps pour la destruction du soir.
■ Justement à titre personnel, tu as un rapport particulier à cette question de lieu, voire de « recyclage » ?
Jusqu’à présent j’avais toujours construit moi-même une maison au préalable, en bois, je lui donnais une sorte d’histoire en la vieillissant un peu, mais ça restait de l’ordre du factice. Et là pour le festival, L’Œil d’Oodaaq m’a proposé de récupérer une maison déjà existante, j’ai trouvé ça génial. J’y ai trouvé des objets, elle a une âme ; par exemple j’ai trouvé un interrupteur intact en porcelaine quand j’ai démonté la cabane plaine de Baud. En plus elle a été taguée donc on peut retracer une sorte de puzzle, de schéma ; c’est ça qui est intéressant, c’est que je peux y tracer des dessins différents.
■ Parce que tu ne la reconstruis pas à l’identique donc ?
Non ça n’est jamais la même chose ; d’une, parce que j’ai jamais les mêmes restes, d’autre part ça ne m’intéresse pas de rejouer tout le temps la même chose. J’aime bien me lancer des défis, de l’ordre de savoir si j’aurais fini à temps pour la destruction du soir, ce petit truc d’adrénaline et de palpitant que j’aime bien dans la pratique artistique. Et aussi parce que j’aime me faire plaisir architecturalement parlant !
■ Au niveau de la démolition et de la construction, qu’est-ce que tu préfères ?
Pour moi c’est la construction, parce que c’est ça qui met en jeu l’acharnement dont je parlais tout à l’heure. Le problème c’est que ça tient sur 8h, la destruction est plus de l’ordre du divertissement les gens adorent ça, mais pour moi c’est juste la clé de déclenchement de ma pièce. Je fais la destruction à la masse, c’est pratique ça demande juste ma force physique, je peux le faire partout, et ensuite c’est totalement aléatoire. Ça casse n’importe comment, il y a un aspect physique important dans mon travail et que j’espère montrer au travers de cette performance.
■ Si j’étais démolisseur ? est présenté pour le festival Oodaaq mais fait fortement écho à l’exposition Quelles sont nos ruines ? aux Ateliers du vent ; c’est un hasard de la programmation ?
Pour L’Œil d’Oodaaq, c’était un appel à projet, et on s’est bien entendus ; et c’est L’Œil d’Oodaaq qui m’a proposé d’inscrire le projet aux Ateliers du vent, en voyant que ça collait bien avec cet évènement.
■ Tu as jeté un œil à l’exposition Quelles sont nos ruines ? ?
Oui bien sûr, c’est amusant car il y a des pièces, on pourrait penser que ce sont les mêmes artistes qui les ont réalisées ; par exemple la cloison détachée du mur (ndlr : posé en face nous, un grand pan blanc quasi géométrique issu d’un mur découpé posé à côté) renvoie aussi à cette décontextualisation et de jouer avec des formes abstraites, qui sont pourtant concrètes. C’est comme pour la maison, on retrouve les portes, les fenêtres, mais dans des endroits totalement incongrus.
■ Quel serait ton dernier coup de cœur artistique ?
Elle est un peu raide cette question ! (réflexion) J’aime beaucoup le travail de Stéfan Tulépo qui est en résidence à la Passerelle, centre d’art à Brest ; c’est une pièce en particulier à laquelle je pense, il dessine avec de la poussière, il dessine des oiseaux dans de la poussière, j’ai trouvé ça poétique et simple.
Envie de voir la la cabane démolie puis reconstruite ?
1ère démolition le jeudi 22 dès 19h
reconstruction le vendredi 23 dès 15h, démolition dès 19h
reconstruction le samedi 24 dès 15h
Profitez-en pour voir l’exposition Quelles sont nos ruines ?