Hacking Justice – Julian Assange et WikiLeaks – Le combat du siècle pour la liberté d’informer

Hacking Justice – Julian Assange et WikiLeaks – Le combat du siècle pour la liberté d’informer : un journaliste, formé à l’école buissonnière du hacking, qui a osé publier des flots d’informations d’intérêt public dans la tourmente depuis plus d’une décennie et dans le collimateur des États-Unis qui n’ont guère apprécié qu’on égratigne leur image de marque, notamment en dévoilant leurs crimes de guerre en Irak et en Afghanistan.

 

« Le pouvoir est bel et bien du côté des gouvernés et les gouvernants n’ont rien pour se maintenir en place si ce n’est l’opinion.

C’est l’un des raisons pour lesquelles l’immense industrie des relations publiques est devenue la plus grande agence de propagande de l’histoire de l’humanité, une force de frappe qui s’est développée et a atteint ses formes les plus sophistiquées dans les sociétés les plus libres : les États-Unis et la Grande-Bretagne. Cette institution a vu le jour il y a environ un siècle, lorsque les élites se sont rendu compte que le niveau de liberté gagné était trop important pour qu’il soit possible de contrôler la population par la force, et qu’il devenait donc nécessaire de contrôler les mentalités et les opinions.

(…)

Un des moyens de contrôler la population consiste à agir en secret pour que les intrus ignorants qui se mêlent de tout restent à leur place, loin des leviers du pouvoir qui ne sont pas leurs affaires. C’est le principal objectif quand des documents internes sont classifiés.

Quiconque a parcouru les archives de documents rendus publics s’est certainement aperçu bien vite que ce qui est tenu secret a très rarement quelque chose à voir avec la sécurité, sauf celle des dirigeants vis-à-vis de leur ennemi intérieur : leur propre population. » (Noam Chomsky, « Le gouvernement des États-Unis d’Amérique contre Julian Assange », p. 33-34)

533x800_hacking-justicePar un documentaire de longue haleine – la réalisation s’étendra sur 9 années durant lesquelles le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, que l’on voit pour ainsi dire vieillir à vue d’œil, vit notamment cloîtré 7 ans durant dans l’ambassade d’Équateur à Londres, où il bénéficie de l’asile politique accordé par le président Rafael Correa, qui lui a accordé la nationalité équatorienne, jusqu’à ce que celui-ci soit remplacé par Lenín Moreno en 2017 et que la nationalité équatorienne lui soit retirée en 2019 –, Juan Pancorbo et Clara López Rubio tentent de faire la lumière sur une histoire troublée. Julian Assange et WikiLeaks – Le combat du siècle pour la liberté d’informer, un livret de 272 pages, réunissant des plumes engagées et publié par les Mutins de Pangée, étaye le reportage vidéo. L’ensemble de ces documents, témoignages et entretiens permet de mettre au jour les propagandes états-uniennes, plutôt efficaces si l’on considère la renommée désormais malfamée qui obscurcit l’aura du journaliste australien Julian Assange. Celles-ci auront permis, sinon de la ruiner, au moins de considérablement nuire à la réputation de ce dernier, le faisant passer pour un irresponsable mettant en danger les intérêts militaires étatsuniens, pour un violeur ou un espion informatique (à la solde des Russes) qu’il conviendra d’éliminer. Cette entreprise de désinformation, de démolition de son image publique et de diffamation est rendue possible par des médias comme le quotidien français Le Monde (cf. p. 153 l’article « Le Monde soutient Julian Assange comme la corde soutient le pendu », du journaliste indépendant Laurent Dauré qui contribue régulièrement aux médias alternatifs comme Acrimed ou Le Gand Soir). Ce qui démontre, pour celles et ceux qui en douteraient, combien est grande – et potentiellement dévastatrice – l’influence hégémonique des États-Unis d’Amérique.

« Pour ceux qui dirigeaient l’empire américain, la vérité fut douloureuse, écrit Ratner [l'un des avocats de Julian Assange]. Pour le reste d’entre nous, elle était libératrice. Avec la publication en 2010 de la vidéo “Collateral murder”, des journaux de guerre afghans et irakiens, du Cablegate, WikiLeaks est allé bien au-delà du journalisme d’investigation traditionnel. Il a prouvé que dans le nouveau monde numérique, une transparence totale était non seulement possible mais nécessaire afin que les gouvernements soient tenus responsables de leurs actions. » (Chris Hedges, « L’empire n’en a pas fini avec Julian Assange », p. 49)

Ses soutiens, ses collègues, sa femme, ses proches, ses équipes internationales d’avocats, ses amis, des ONG comme Amnesty International, le rapporteur de l’Onu sur la torture Nils Melzer, des syndicats de journalistes (Fédération internationale des journalistes regroupant 600 000 adhérents à travers le monde, SNJ, SNJ-CGT ou CFDT-Journalistes en France…) etc., dénoncent au contraire l’acharnement judiciaire et procédurier qui, depuis une douzaine d’années, entrave l’action professionnelle du fondateur de WikiLeaks et le prive de liberté, voire de lumière naturelle et d’intimité puisque l’ambassade d’Équateur a été truffée de micros intrusifs et de caméras espionnes permettant même de capturer les échanges entre Julian Assange et ses avocats.

« La politique ne doit pas interférer avec le droit à la santé et l’exercice de la médecine. Selon l’expérience du rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, l’ampleur de l’ingérence étatique est sans précédent : “En vingt ans de travail avec les victimes de la guerre, de la violence et de la persécution politique, je n’ai jamais vu un groupe d’États démocratiques se liguer pour isoler, diaboliser et maltraiter délibérément un individu depuis si longtemps et avec si peu de respect pour la dignité humaine et l’État de droit.” (Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, “UN expert says “collective persecution” of Julian Assange must end now”, site du HCDH, p. 67) (Doctors for Assange, « Mettre fin à la torture et à la négligence médicale de Julian Assange », p. 69)

Son seul tort aura été de créer WikiLeaks et de diffuser des informations dévoilant l’étendue des crimes de guerre et des actes de torture commis par les USA en Irak, en Afghanistan ou à Guantánamo, mais aussi zoomant sur la corruption, les travers, la duplicité et les magouilles des grandes personnalités et sociétés de ce monde (que ce soit la malhonnêteté d’Hillary Clinton ; l’évasion de capitaux vers les îles Caïmans organisée par la banque privée suisse Julius Bär ; les théories défendant « l’hégémonie de la race blanche » portées par des membres du British National Party ; les trafics ultra toxiques de la multinationale hollandaise Trafigura en Côte d’Ivoire…).

« Juillet 2010. Ces documents [“Afghan War Diaries” contenant 90 000 éléments] témoignent de la violation des droits humains (organisations d’enlèvements, détentions sans procès, torture, etc.), de l’extension des frappes par drones – qui n’épargnent ni enfants, ni femmes (enceintes), ni citoyens américains ; et dévoilent les manœuvres mises en place par les États-Unis pour cacher leurs agissements. » (« Chronologie 1971-2022″, p. 215-216)

La liberté (de la presse) que Julian Assange s’autorise lorsque WikiLeaks est à son apogée n’est pas du goût de tout le monde. Les pouvoirs – qui ont tendance à abuser de leurs prérogatives – n’aiment pas qu’un contre-pouvoir aussi insolent vienne dévoiler les coulisses sombres et les arcanes peu ragoûtants de leurs arrière-cuisines.

« 18 mars 2010. Un document classifié du contre-espionnage états-unien de 2008, qui qualifie WikiLeaks de “menace pour la sécurité informationnelle de l’armée américaine” préconise l’envoi de fausses fuites, une campagne de presse pour ruiner son image et le harcèlement juridique des lanceurs d’alerte et des membres de WikiLeaks » (« Chronologie 1971-2022 », établie par Olivier Azam, p. 212)

En attendant, Julian Assange est détenu à la prison britannique de haute-sécurité de Belmarsh, dans des conditions d’isolement terrifiantes constatées par le corps médical. Et il vit sous la menace d’une extradition vers les USA où il risque 175 ans de prison.

En France, les mesures gouvernementales pour venir en aide à ce journaliste intrépide font piètre et pâle figure – rejoignant l’équipe internationale d’avocats de Julian Assange, Maître Éric Dupont-Moretti demande début 2020 l’asile politique pour son client, avant de rallier en juillet de la même année le gouvernement français qui se singularise depuis par son ample discrétion vis-à-vis de la façon indigne dont la Grande-Bretagne, les États-Unis et leurs alliés (ou vassaux) traitent Julian Assange.

Hacking Justice, documentaire de Juan Pancorbo et Clara López Rubio, accompagné du livre collectif Julian Assange et WikiLeaks – Le combat du siècle pour la liberté d’informer, 2021, préface de Serge Halimi, Les Mutins de Pangée, CINÉmutins, 2022, 272 p., 14 € .

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