Desperado sur le rivage, de Claude Bathany

Desperado sur le rivage, de Claude Bathany : un roman sensible, noir et cocasse aux accents à la Daniel Laudrin ou à la Frédéric Dard.

533x800_BathanyParu en début d’année chez Métailié – dont le catalogue propose aussi du Bernard Giraudeau ou du Serge Quadruppani –, Desperado sur le rivage de Claude Bathany colle aux basques et aux pensées, mi-profondes, mi-narquoises, 100 % tourmentées, de Jeff, le héros. Si celui-ci porte un blaze tout droit sorti d’une chanson de Jacques Brel (« Non Jef, t’es pas tout seul / Mais arrête de pleurer / Comme ça devant tout le monde… »), Jeff aime aussi les lieux interlopes et les personnages baroques qui y vivotent comme Clarisse la nonne, Raymond Zanzibar et son ukulélé, Virgile, le mime Corentin Delgado… Lors d’une errance improbable, accompagné de son accordéon, Jeff, confronté à des lieux de son passé, à des protagonistes plus ou moins bien lunés, ne peut s’empêcher de se remémorer, de ressasser, de replacer mentalement les pièces d’un puzzle inachevé qui l’ont conduit dans l’état où il erre présentement. En quête d’amours perdues et d’une possible rédemption.

« Ce qui me fout dedans, c’est que je ne suis déterminé par aucun projet. Du coup, pas de résolution ferme, une sorte de mollesse de l’âme sur laquelle chacun a prise. Petite barcasse chaloupant et giguant au gré des grains ou – pour les plus intellos – du clinamen*. » (p. 63)

D’une écriture élégante, souvent amusante, Claude Bathany délivre là le récit sombre d’une âme déglinguée, éparpillée en mille morceaux. Tout l’art de ce récit sera de montrer que recoller les morceaux n’est peut-être pas complètement impossible.

« - Je suis une merde sociale, dis-je.

- Ne te complais pas dans le négatif, mon pote, c’est trop facile et c’est le truc que tout le monde peut faire.

Je continue à pisser de la larme. Et même si ça me troue profond de l’admettre, je reconnais qu’il n’a pas tort : clairement, je me complais. » (p. 154)

Et c’est avec une certaine habileté qu’il en distille les tragiques indices, jusqu’au dénouement final, qui permettent de comprendre quand, comment et pourquoi Jeff a pu sombrer si bas.

* Clinamen : La théorie du clinamen remonte à Épicure : l’atome, tout en se dirigeant en ligne droite vers le bas en vertu de son poids et de sa pesanteur, dévie légèrement de côté…

Desperado sur le rivage, de Claude Bathany, éditions Métailié, Paris, 2023, illustration (splendide) de la couverture par François Prost, 256 p., 19 €.

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