[Mythos] Fracassé·es mais toujours debout

Fracassé·es, portée par la Zamak compagnie, s’est jouée à la Paillette les 7 et 8 avril. Une pièce à l’énergie brute, juste et consciente,  qu’on avait hâte de découvrir.

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C’est peu dire que nous avions des attentes sur Fracassé·es, portée sur scène par la Zamak Cie. Parce que nous avions été bouleversé·es par le texte original de Kae Tempest, Wasted. Parce que nous étions tombé·es en amour pour son spoken word depuis longtemps déjà. Parce que nous avions ressenti l’énergie déployée par la compagnie de Delphine Battour assistée de Mathilda Gustau lors d’une répétition. Et aussi parce qu’on avait encore à l’oreille les mots scandés par l’artiste londonienne dont un extrait du nouvel album, The Line is a curve, venait tout juste de sortir.

 

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La déflagration attendue a bien eu lieu. Avant leur entrée sur scène, les trois acteurs et actrices nous sont introduit·es par une vidéo, sobre et superbe, dans leur environnement quotidien : Ted au bureau, Charlotte en salle des profs, Dan défoncée dans son canapé. Lorsqu’iels se dressent devant le public pour former le choeur dont les respirations ponctuent la pièce, iels endossent le fardeau de toute une génération. Celle des fracassé·es, des gâché·es, des perdu·es d’avance, des désabusé·es. Le chœur s’adresse au public en anglais, dans le respect du flow originel de Kae Tempest, et c’est une si belle idée d’avoir laissé ce texte intact, tant on ressent la scansion de l’autrice, au point qu’on la sent convoquée ici avec nous.

 

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Fracassé·es, c’est une montée de drogue dure, progressive. Ça commence par un hommage à Tony, l’ami disparu depuis dix ans. L’occasion de faire le point sur les renoncements de chacun·e, la vacuité des vies, se remémorer les quelques souvenirs épargnés par les drogues et l’alcool et s’imaginer ce que Tony serait devenu, lui. Ça explose en acmé dans une fête techno avec lumières stroboscopiques, où les substances resserrent les liens et libèrent la parole, y compris celles qui blessent. Là où la vérité s’entraperçoit. Et ça finit en descente atroce, a priori sans fin. Laure Catherin, Nathan Jousni et Cléa Laizé nous entraînent dans ce trip avec une telle justesse qu’on en a mal aux cheveux pour elleux. Elles et il sont intenses et incandescent·es, porté·es à la fois par le texte et par la musique originale de Raphaël Mars. Leur spontanéité et leurs petites vacheries font marrer un public qui se reconnaît évidemment. Dans leur dos, l’écran est décor et support, diffusant un paysage, des stories et messages échangés en live, des vidéos hors-scène. Il ponctue sans prendre trop de place.

On ressort de la pièce secoué·es par ce qui s’est dit sur nos propres illusions déchues, mais aussi galvanisé·es par l’énergie du groupe, et quand même, par cette touche d’espoir qui fleurit à travers les failles du gris béton.

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