Déjà donnée l’an passé, La Grande Saga de la Françafrique au théâtre de la Parcheminerie est revenue pour Mythos 2014 : un cours d’histoire-géo hilarant* faisant revivre les grandes épopées, parfois éminemment meurtrières, liées ou découlant des Indépendances.

Tout de blanc vêtu, cravate satinée et chaussures cirées y compris, le duo, constitué d’un énergumène et d’un assistant-technicien qui assure les intermèdes, met le public à l’aise, pose son sujet, installe une ambiance conviviale (et vu le lieu, assez intimiste, la tâche n’est pas ingrate).

Puis la diatribe commence, très physique et très drôle, peuplée de mimes, d’imitations réjouissantes, de chuintements remixés et samplés, de chants, de bruitages bricolés (qui s’expliquent par les racines de cette compagnie qui plongent dans le terreau fertile du théâtre de rue). En deux petites heures, on survole le vaste territoire de la Françafrique. On remonte le temps. On revisite l’Histoire. On démêle les fils embobinés des pelotes de liens tissés entre la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la Belgique (les maisons-mères) et leurs anciennes colonies d’Afrique du Nord, de l’Est, centrale ou de l’Ouest, succursales satellites où abondent les richesses considérées comme indispensables (hévéa, gaz naturel, pétrole, cacao, diamant, uranium, or, etc.) mais dont le partage et la jouissance n’ont pas toujours fait l’objet de contrats d’exploitation d’une transparence totale.

Sont ainsi convoqués sur scène les ténors de la Ve République qui ont successivement entériné ces dérives, ces spoliations, ces détournements institutionnalisés, ces magouilles, ces bains de sang, ces coups d’État et ces soutiens crapuleux aux pires dictatures. Charles Pasqua, Jacques Foccart, Jean-Christophe Mitterrand et son père, Loïk Le Floch-Prigent, Bob Denard, Charles de Gaulle, Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac, Vincent Bolloré, Martin Bouygues, Valéry Giscard d’Estaing… il y a du beau monde du côté français, des «champions» de l’opacité et des intérêts supérieurs de l’État. Ce trombinoscope est une matière de premier choix pour tenter de conscientiser joyeusement la complexité (pas toujours glorieuse) des rapports (souvent troubles) entretenus par les «Grands» de ce monde.

La Grande Saga de la Françafrique est donc une leçon de géopolitique, dans la tradition de l’éducation populaire, des conférences gesticulées et des critiques virulentes émises par feu François-Xavier Verschave et consorts. Tout en s’appuyant sur des faits avérés, sur des séries notoirement publiques de crimes et abus impunis et sur une galerie instructive de personnages historiques emblématiques (Thomas Sankara, Blaise Campaoré, Félix Houphouët-Boigny, Eyadema, Omar Bongo, Juvénal Habyarimana…), la compagnie Les 3 points de suspension offre une excellente occasion, tout en se déridant la cacahouète, de réviser d’un œil critique les relations qui unissent le Pays des Droits de l’Homme au Berceau de l’Humanité.

* le prof, au besoin, se mettant en slip (slip kangourou-léopard et marcel assorti qui plus est) pour mieux faire entendre sa leçon.

Mythos continue jusqu’au 22 avril ! Consultez le programme !