Des autrices du livre Nous vous écrivons depuis la révolution sont passées par Douarnenez mardi 18 janvier. Deux heures d’engagement, de transmission, de réflexion, d’adelphité avec des combattantes galvanisantes. Elles seront à Rennes vendredi 21 janvier à la Maison de quartier de Villejean. Avec leur force motrice née du soulèvement des femmes. Leurs récits de luttes. Leur énergie. Leur vitalité. Leur bienveillance. Pour une société égalitaire, débarrassée du patriarcat. Une bouffée d’oxygène à respirer et à répandre !
« La liberté dans la société commence par la liberté des femmes »
Au Local, espace auto-géré du centre-ville de Douarnenez, deux autrices présentaient le livre Nous vous écrivons depuis la révolution. Récits de femmes internationalistes au Rojava (Éditions Syllepse). Chacune évoque l’histoire d’un système démocratique unique au monde au Kurdistan, région située au nord et à l’est de la Syrie. Une révolution née de quarante ans de résistance des femmes kurdes dans une zone assiégée depuis 2012 par la Turquie et ses mercenaires islamistes, le régime syrien, les forces chiites pro-Iran, etc. Une révolution des femmes qui a banni le patriarcat et instauré une démocratie laïque, égalitaire et écologique, basée sur des structures autonomes de co-présidences et d’assemblées dans tous les domaines de la vie civile : éducation, santé, travail et affaires sociales. Pour la première fois de l’Histoire récente de l’humanité, les femmes possèdent leur unité militaire d’auto-défense et constituent le centre névralgique révolutionnaire. L’autonomie (la non-mixité dans nos sociétés occidentales) s’inscrit dans la jinéolojî (littéralement « science des femmes et de la vie »), programme passionnant d’apprentissage historique et de ressources et connaissances de soi pour résoudre les problèmes de domination masculine ou capitaliste. Dont le féminisme ne serait qu’un versant. Avec un mot d’ordre : ne jamais critiquer une femme devant un homme pour ne pas apporter de grain à son moulin à broyer, domestiquer et dominer.
« Avant tout, il faut que vous sentiez la lutte de toutes les femmes en vous. Que vous sentiez vivante la lutte des femmes de l’histoire, celle de Louise Michel et des femmes de la Commune de Paris, de Djamila Bouhired et des moudjahidin algériennes, de Dulcie September et de la lutte contre l’apartheid, de Sakine Cansiz et de toutes les femmes guerrilleras… que vous la sentiez comme quelque chose que l’ont vit ensemble, là maintenant, et que l’on continue. C’est la base de la révolution mondiale des femmes. » (p. 84)
Les autrices enchaînent ensuite sur le contenu du livre Nous vous écrivons depuis la révolution qui part d’un désir de témoigner de la mobilisation révolutionnaire des femmes au Rojava. D’en diffuser la beauté, l’énergie et l’espoir. De rétablir la vérité et lutter contre les préjugés et les mensonges diffusés en Occident. Afin d’éveiller une solidarité internationale. Il a été pensé collectivement à partir des témoignages et récits de douze autrices internationalistes, mères, journalistes, militantes, principalement françaises, qui ont passé de quelques jours à plusieurs années au cœur de la révolution du Rojava. Elles nous invitent à découvrir le projet et la réalité de femmes qui, depuis 2012, travaillent minutieusement à la création de leurs structures autonomes. Une myriade de textes, de réflexions, poèmes, contes, extraits de journaux intimes, lettres, interviews, autant de formes différentes qui font vivre ce livre. Elles permettent d’approcher les émotions les plus intimes, la pratique quotidienne et les enjeux géopolitiques plus généraux afin de s’inspirer ici de ce qui est expérimenté là-bas. D’un point de vue féminin qui dépasse le genre.
« Il n’y pas pas deux sexes qui s’opposent, mais deux forces féminines et masculines qui se complètent et créent ensemble quelque chose de nouveau. » (p. 83)
Les deux autrices évoquent l’importance des émotions et de l’amour dans leur démarche d’écriture. Et du collectif. « L’individu construit le collectif mais le collectif construit l’individu. » Une construction démocratique qui ne transpose pas des concepts occidentaux mais les établit du point de vue des Kurdes unies et soudées. Ainsi, ce village des femmes où les veuves, les rejetées, les bannies se réfugient en cas de menaces ou violences masculines. Cependant, les femmes du Rojava ne sont pas dupes. Il faudra du temps pour modifier le comportement des hommes sur les bases du mariage, les relations sexuelles, la charge mentale, le genre, mais le processus révolutionnaire de changement des mentalités est en route. On pense aux sœurs guérillères de Viendra le temps du feu de Wendy Delorme. Enthousiasme, le ventre rempli de force et d’espoir, à l’idée qu’il ne s’agisse plus d’une dystopie. Sous nos yeux, des autrices parlent de leur révolution (et de leurs camarades mort·e·s en martyr), de l’évidence d’une société communautaire et égalitaire où la femme a pris sa place et s’organise pour vivre en paix collectivement et en harmonie avec la nature. Dédicace à la plèbe bourgeoise masculiniste parisienne qui organise des colloques de la peur contre les féministes intersectionnelles qui chercheraient à « détruire la civilisation occidentale », « monstre conquérant d’un nouvel esprit totalitaire ». Tremblez messieurs, nous vous sourions depuis une révolution en cours. Se lever. S’unir. Combattre. Dans le sillage des internationalistes au Rojava.
« Si on regarde les choses d’un autre point de vue, on pourrait dire qu’il existe deux voies féministes, l’une que l’on pourrait qualifier de révolutionnaire, qui critique l’État et le système de domination dans son ensemble et celle que l’on pourrait qualifier de réformiste, qui souhaite assimiler les femmes au système… cette deuxième voie réformiste est en soi la négation même du féminisme » (p. 81)
* Lors de la rencontre, des livrets, mines d’informations étayées, sont à disposition à prix libre : « Jinelojî (résumé du livre introduction à la jinéalojî) », « Au-delà des lignes de front (la construction du système démocratique de la Syrie du Nord et de l’Est) », « Éducation révolutionnaire (notes du premier cycle de formation de l’institut Andrea Wolf de Jinolojî au Rojava » ou encore « Femmes en lutte au Kurdistan (3 entretiens autour du féminisme, des luttes LGBTI et du mouvement des femmes en prison à Amed) ».
À compléter avec une présentation de Jineolojî dimanche 23 janvier 2022 de 14 à 18 h, en présence de membres du centre de Jineolojî de Bruxelles. Au Centre culturel kurde Amara (11 rue du Pré du Bois 35 000 Rennes).