Francis Rissin, un roman de Martin Mongin

Francis Rissin : Un drôle d’ouvrage… Que dire de plus ? Lisez-le. Faites connaissance avec Francis Rissin.

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« Il se prend les pieds dans son cartable, qu’il vient de poser devant lui, et il perd l’équilibre. Dans sa chute, il essaie de se rattraper en levant le bras droit ; mais celui-ci vient percuter le couffin [que Madeleine a posé sur la table de la cuisine pour l’avoir à côté d’elle pendant qu’elle épluchait des légumes], qui se renverse et tombe à plat sur le carrelage de la pièce en faisant un bruit mat.

Les deux adultes, horrifiés, se jettent sur le nourrisson. Celui-ci est blanc comme un mort, les yeux révulsés. Il ne bouge plus. Il a arrêté de tousser certes [le petit Francis en pleine crise d’asthme tousse à en cracher ses organes], mais il a également arrêté de respirer, ce qui ne laisse quand même rien présager de bon. » (page 268-269)

Qui est-il ? Que fit-il de sa vie, de ses vies – combien étaient-ils et combien furent-elles donc ? Certains disent que Francis Rissin est légion. D’autres l’ont vu à la télé, remplir des stades ou sur des théâtres d’opération, l’arme au poing. D’autres encore ont seulement vu son nom sur une affiche de type électoral, en grands caractères. Combien de bustes furent moulés à son image ? Combien de miracles sut-il accomplir ? Ses yeux étaient-ils aussi bleus qu’on le dit ? Francis Rissin a-t-il seulement existé ? N’est-il qu’une construction imaginaire ? Et les constructions imaginaires, prennent-elles vie, corps et âme, dans le monde réel ? Le monde réel est-il autre chose qu’une construction imaginaire ?

« Rassurez-vous, pendant tout ce temps, ma bite est restée au garde-à-vous, et cela n’a pas échappé à ces jeunes infirmières qui défilent dans ma chambre, les yeux pétillants et un sourire vicieux au coin des lèvres. Et puis j’ai un moral à toute épreuve, un moral de plomb. Mon âme a été forgée dans le même métal que mon sexe – celui du bouclier d’Héphaïstos. » (page 353)

Francis Rissin est le premier roman, sous ce nom de plume, de Martin Mongin, bien connu de nos services pour avoir cofondé les brillantes éditions Pontcerq (auxquelles on doit Signes annonciateurs d’orages – Nouvelles preuves de l’existence des dieux, d’Olivier Chiran & Pierre Muzin paru en 2014 ; Tôt ou tard – Politique de l’auto-stop, d’Hervé Décaudin & Fabien Revard paru en 2011 ; ou La Traversée – Retour de bagne d’un communard déporté, de Gérard Hamon paru en 2016…). Jouer avec le réel, jongler avec les points de vue, spéculer sur les futurs élus et critiquer la façon dont on peut arriver à l’être – élu -, juxtaposer l’invraisemblable et l’avéré, brasser le prophétique avec le mythologique, mêler le dystopique et l’ironique, saupoudrer le tout d’une pincée d’absurde, telles sont les ficelles que Martin Mongin, malicieusement, s’amuse à tirer. Comme si l’objectif était d’exacerber au plus haut point la perplexité et la curiosité du lecteur, obligeant ce dernier à une gymnastique mentale revigorante, nourrie de doutes et de tensions, de questions et d’inquiétudes en phase avec l’époque.

« Après avoir erré plusieurs heures, ils découvrirent sur leur plan qu’ils étaient sous le jardin du Luxembourg. Le Bécu sortit son vieux carnet à spirales, sur lequel il avait pris des notes pendant le congrès de Francin. Banco ! Ils étaient à quelques encablures du Sénat, qui faisait justement partie des cibles auxquelles ils avaient prévu de donner l’assaut. Ils n’avaient plus qu’à trouver un moyen de remonter à la surface, et à se rendre maîtres des lieux à l’insu de la Garde républicaine. » (page 492)

Francis Rissin - Roman de Martin Mongin - Éditions Tusitala, Paris, Bruxelles, 2019 – 616 pages – 22 €.

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