Perdrix : une comédie avec des nudistes révolutionnaires, un tank égaré, un gendarme qui apprend des poésies de l’auteur romantique allemand Novalis (1772-1801), une rousse flamboyante et des lombrics.
Pierre (Swann Arlaud, qu’on a vu récemment dans Exfiltrés d’Emmanuel Hamon, sorti au printemps 2019, où il jouait un père assez déboussolé par la fuite de sa femme partie rejoindre Daesh) est gendarme dans les montagnes vosgiennes. Il commande la brigade d’une bourgade sans histoire – ou presque. L’ennui y est palpable. Pierre en est peut-être l’incarnation. Quand Juliette Webb débarque (Maud Wyler), le train-train est soudainement tourneboulé. La pétulance, le franc-parler et l’anticonformisme de cette jeune femme éprise de liberté ont en effet de quoi bouleverser le cœur tendre de Pierre Perdrix (qui vit chez sa mère, avec son frère et sa nièce).
Dans Perdrix, tout – ou presque – est drôle, gourmand et intéressant : les décors de la gendarmerie spacieuse et lumineuse ou ceux de la maison figée dans les années 70 – ou 80 – de la famille Perdrix ; le caractère des gendarmes indolents, doux, fins psychologues et empathiques ; les dialogues ; les situations écrites avec une belle plume ; l’atmosphère qui rappelle Le Daim de Quentin Dupieux (2019), Twin Peaks de David Lynch (1990) ou The Lobster de Yórgos Lánthimos sorti en 2015 ; les personnages annexes (Juju le frère renfrogné de Pierrot, les participants d’une reconstitution historique grandeur nature qui vivent leur passion en uniforme de la Wehrmacht, les rebelles dans la forêt…).
Perdrix, c’est aussi une tentative (réussie) de réconcilier le spectateur avec la gendarmerie – la caricature qui en est ici faite est du même acabit que la peinture que Robert Lamoureux fit de l’armée dans Mais où est donc passée la 7e compagnie ? (1973). D’ailleurs Juliette ne s’y trompe pas puisqu’on sent bien qu’elle meurt assez vite d’envie d’embrasser le lunaire Pierrot.
C’est sûrement aussi une belle évocation de la rencontre amoureuse – ce dont on rêve sans oser l’imaginer – et une invitation (lancée par Juliette Webb) à éviter de se complaire dans la médiocrité, ou stagner indéfiniment dans la résignation.
C’est enfin une réflexion sur la société d’aujourd’hui. Comment des idéologies variées peuvent-elles cohabiter (les gendarmes dans Perdrix sont ainsi l’antithèse des gendarmes qui intervinrent brutalement sous les ordres furibards de Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, sur la ZAD de NDdL en 2018) ? Est-il possible de se vêtir et penser différemment sans subir les foudres de l’État et de ses affidés ? Est-il possible de changer ?
Sous l’œil de feu Félix, encadré, la riante famille Perdrix s’apprête à recevoir son invitée.
Bref, dans Perdrix, tout est bon – ou presque.
Autant d’éléments qui expliquent pourquoi Perdrix a été remarqué lors de la 51e édition de la Quinzaine des Réalisateurs, à Cannes, ou lors du dernier festival du film romantique de Cabourg.
Perdrix – Comédie amoureuse (c’est écrit sur l’affiche) d’Erwan Le Duc – Avec Swann Arlaud, Maud Wyler, Nicolas Maury, Fanny Ardant, Alexandre Steiger… – Sortie le 14 août 2019 – Durée : 1h34.