Sibyl, de Justine Triet : un drame sexy avec comme fond des bouts du ciel bleu de la mer Méditerranée qui n’est donc pas qu’un dépotoir pour nos immondices ou un cimetière pour réfugié·e·s.

Tout va bien pour Sibyl (Virginie Efira) – surtout depuis qu’elle a arrêté de boire –, psychanalyste à Paris. D’ailleurs, elle veut écrire, elle sent que c’est le moment d’accoucher d’une œuvre. Pour ce roman, elle se met donc en congé. Manque de pot, Margot (Adèle Exarchopoulos, révélée via La Vie d’Adèle d’Abdel Kechiche, 2013), une actrice amoureuse (voire enceinte, mais on n’est pas là pour tout spoiler) d’Igor (Gaspard Ulliel), un acteur un peu fat porté sur la vodka et marié à Mika, une réalisatrice de films (Sandra Hüller), Margot, donc, jeunette un peu paumée à l’idée d’avorter (on le serait à moins), sollicite ses vertus de thérapeute. Prendre congé de son divan n’est donc pas facile dans ces conditions. Mais en contrepartie, Margot apporte à Sibyl une source d’inspiration primordiale pour son roman. Mieux, elle lui apporte un voyage sur les pentes du Stromboli, où Mika tourne, en présence d’Igor, un mélodrame passionné.

Ce film parle donc d’un film en cours de tournage, d’un roman en cours d’écriture, d’une carrière de vedette en train de se lancer, d’une femme libérée en quête d’elle-même (et dont l’aboutissement pourrait être un succès de librairie, car le succès est bien connu pour apporter du sens à l’existence). Mais il contient aussi une petite charge acerbe contre le milieu bling-bling et déglingué du cinéma, un hommage à l’Italie qui a vu naître quelques œuvres cinématographiques majeures (et pour certaines sulfureuses*), une brève étude du dur métier d’acteur (qui doit concomitamment masquer ses états d’âme personnels et s’en nourrir) et une chronique de cette bourgeoisie bohème (dans le sens où ça semble assez facile de voyager jusqu’en Sicile avec champagne à volonté sur Air France), au capital socio-culturo-professionnel largement au-dessus de la moyenne, incarnée ici par Virginie Efira.

* On pense bien sûr au Dernier tango à Paris de Bernardo Bertolucci, censuré à sa sortie pour une scène de sodomie entre Marlon Brando (1924-2004) et Maria Schneider (1952-2011), scène assez violente non décrite en détails dans le script proposé à la jeune actrice qui s’en trouva toute chamboulée.

Sybil – Comédie dramatique franco-belge de Justine Triet – Avec Virginie Efira, Adèle Exarchopoulos, Gaspard Ulliel… – Sortie le 24 mai 2019 – Durée : 1h40 – Avertissement : des scènes (avec le corps nu de Virginie Efira), des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs.