Le président des ultra-riches, de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot

Le président des ultra-riches – Chronique du mépris de classe dans la politique d’Emmanuel Macron, de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot : À l’heure où chaque samedi depuis le 17 novembre 2018 (soit 25 actes à ce jour), la contestation embrase les rues aux cris de « Macron démission ! », « On vient te chercher chez toi ! » et « Révolution ! », on cherche donc à comprendre d’où vient cette détestation qui ne s’essouffle pas. Quelques pistes se dessinent avec les apports de ce couple de sociologues issus du CNRS.

 

« Une boutique de souvenirs [au Touquet-Paris-Plage où le président réside régulièrement] propose même des produits dérivés à l’image du président. Lors de notre séjour, nous avons ainsi acheté une boule à neige à l’effigie d’Emmanuel Macron ornée de sa formule favorite “Et en même temps…”. Notez qu’à la moindre secousse, le président disparaît sous l’avalanche et, prisonnier dans sa bulle, son message devient illisible. » (page 75)

533x800_ultra-richesÉtayée comme il se doit, cette chronique du mépris de classe dans la politique d’Emmanuel Macron récapitule d’abord toutes ces saillies de mauvais goût qui, s’accumulant, expriment la « personnalité d’un dominant convaincu de sa supériorité et la violence d’une politique de classe » (page 13). Ce manque d’empathie et de diplomatie serait donc peanuts s’il n’était adossé à une politique, parfaitement odieuse pour les classes populaires. Comme a pu le montrer le rapport de l’ONG Oxfam, cette politique (abandon de l’exit tax, défiscalisation des revenus du capital, CICE, suppression de l’ISF) profite en revanche aux plus fortunés, traders et autres multimillionnaires voire milliardaires habitués à pratiquer l’exil fiscal à grande échelle via des montages financiers complexes. « Quelques données : en France, en 2017, les 10 % les plus aisés détiennent plus de la moitié des richesses nationales quand les 50 % les plus pauvres ne se partagent que 5 % du gâteau. » (page 34)

Comme l’a démontré aussi Juan Branco dans Crépuscule, Emmanuel Macron, même s’il s’en défend, ne doit pas son ascension qu’à ses qualités de leader porteur d’un projet, mais bien plutôt aux riches réseaux d’où il est issu – cette grande bourgeoisie conviviale au sein de laquelle, « à la faveur d’un buffet, les frais de bouche se transmuent en levée de fonds pour un candidat ami, un allié en puissance » (page 60).

Avec méthode, on assiste ainsi à l’analyse, voire au dépeçage pièce par pièce, du mythe présidentiel. Sa femme (vêtue par LVMH), dont on n’a pas le droit le préciser sur une chaîne du service public que ses photos sont retouchées pour la rajeunir sans déclencher l’ire de l’Élysée ; son premier gouvernement composé de 15 millionnaires ; ses amis qui pratiquent la chasse à courre à Chambord ; le palais de l’Alma, interdit au grand public, dans le VIIe arrondissement, qui compte 60 appartements de fonction de grand standing mais à tarifs imbattables (dont l’un fut attribué à Alexandre Benalla en juillet 2018, soit 2 mois après les faits, place de la Contrescarpe, qui lui valurent d’être licencié) ; ses amis milliardaires exempts d’impôts sur leurs yachts ou leurs résidences à l’étranger grâce à des sociétés écrans ; La Rotonde, dans le VIe arrondissement, qui lui sert de cantine ; on en passe et des meilleures, tout passe à la moulinette.

Le puzzle ainsi formé étaye la thèse, confirmant l’intuition partagée, qu’Emmanuel Macron se soucie plus de sa caste fortunée que du bien commun. Et on comprend mieux pourquoi ce qu’il incarne est de plus en plus exécré par une population de moins en moins dupe et surtout, de moins en moins tolérante vis-à-vis de cette politique ultra-libérale orchestrée par et pour les ultra-riches et leurs affidés.

« Quelques milliers d’ultra-riches en “costard sombre” ce n’est pas le peuple, ce n’est pas la France, c’est une petite minorité. On ne peut pas les laisser, ces factieux à Rolex, ces casseurs en col blanc, continuer à piller nos vies. » (page 157)

Le président des ultra-riches – Chronique du mépris de classe dans la politique d’Emmanuel Macron, de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot – Éditions La Découverte, Paris, 2019 – Coll. « Zones » – 174 pages – 14 €.

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