La Villa, de Robert Guédiguian

La Villa, de Robert Guédiguian : une escapade dans le Sud, avec du deuil et du rouget au menu.

Angèle (Ariane Ascaride), Joseph (Jean-Pierre Darroussin) et Armand (Gérard Meylan) se retrouvent au chevet de leur père très diminué, qui tenait un restaurant populaire au fond d’une petite calanque : Le Mange-tout.

Angèle a quitté Paris et sa troupe de théâtre pour accourir auprès du vieillard en bout de course. Vieux dandy communiste désabusé, Joseph est venu lui aussi, avec la jolie Bérengère, sa petite amie du moment qui est en train de le quitter (Anaïs Demoustier, qu’on avait vue récemment aux côtés de Karin Viard dans le drôle mais trop sage Jalouse des frères David et Stéphane Foenkinos).

Dans les esprits de chacun s’entrechoquent les souvenirs des temps heureux ou des moments tragiques vécus là, dans cette calanque typique des environs de Marseille où les cabanons ouvriers ferment les uns après les autres et sont rachetés, où une époque s’étiole.

villaPour Benjamin (Robinson Stévenin) et Angèle (Ariane Ascaride), c’est le moment d’aller relever les filets…

Avec le regard plein de bonté et plus d’une surprise dans ses filets (surtout si l’on n’a pas vu au préalable la bande-annonce), Guédiguian décrit ce monde qui s’en va, qui change, qui suscite la nostalgie et réclame encore et toujours quelques efforts. « C’était mieux avant ? » demande Bérengère qui n’est pas la moitié d’une péronnelle avec ses cigarettes extra-longues, son ordinateur extra-plat avec une pomme sur le clapet et son coupé Mercedes extra stylé… Joseph, son ex-amant et mentor, répondra par une boutade mais on sent bien que le temps qui passe et devient révolu le chagrine…

La Villa est ainsi un film plein de douceur et de piété filiale plus ou moins endommagée, de mélancolie et d’amertumes, de lucidités sur le monde tel qu’il est, complexe, cruel, contrasté, parfois beau comme un coucher de soleil, joyeux comme un chahut d’ados sur un quai l’été ou magique comme le souvenir d’une virée sur un vieux tube de Dylan à tue-tête*, rassurant comme un train qui passe à heures fixes, parfois laid et incompréhensible (avec les militaires intrusifs coiffés de béret vert qui crapahutent et patrouillent en 4×4, traquant les réfugiés, avec les loyers qui augmentent d’un coup, les maladies qui terrassent même ceux qu’on croit solides comme les rochers des calanques et ces accidents qui emportent ces âmes innocentes pourtant censées avoir la vie devant elles…). Bref, une bouffée de Méditerranée qui sent bon le poulpe,  l’artichaut à l’ail, l’humanisme sans illusion et les roses rouges. Et qui donnerait presque envie de prendre le large, de traverser des océans – pour rejoindre son amoureux ou fuir la misère et se rapprocher, qui sait, d’un monde meilleur.

* Le cinéma de Guédiguian, qui travaille avec les mêmes partenaires depuis belle lurette, permet ainsi des clins d’œil exceptionnels. Comme ici avec cet étonnant emprunt à l’un de ses films précédents, Ki lo sa ? (1985), où l’on retrouvait déjà Jean-Pierre Darroussin, Ariane Ascaride et Gérard Meylan, et qui apporte aux liens qui unissent cette fratrie une authenticité tout à fait particulière.

La Villa – Comédie dramatique française de Robert Guédiguian – Avec Jean-Pierre Darroussin, Ariane Ascaride, Anaïs Demoustier, Yann Tregouët, Robinson Stévenin, Gérard Meylan… – Sortie le 29 novembre 2017 – Durée : 1h47.

2 comments

  1. Le Rouzic Maurice /

    Si on me demandait de qualifier ce très beau film de Robert Guédiguian en quelques mots, je dirais « mélancolique et plein d’espoir ». Il y a aussi de la nostalgie, pas de celle qui affirme que « c’était mieux avant » mais celle pour laquelle revenir sur le passé sert à mieux préparer l’avenir.

  2. Cyrille Cléran /

    Bonjour Maurice,

    Le futur va avoir besoin d’un présent bien solide, c’est sûr. Quant au passé, quoi qu’on en dise, il est toujours en marche. Bonnes fêtes de Noël en tout cas !

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