Grand froid, de Gérard Pautonnier

Grand froid :  un road-movie en corbillard pour démarrer l’été sur les chapeaux de roues.

Edmond Zweck l’acariâtre boss intransigeant (Olivier Gourmet), Eddy l’empathique (Arthur Dupont) et Georges le vieux briscard (Jean-Pierre Bacri) bossent dans l’entreprise de pompes funèbres de ce premier. C’est bientôt Noël. Alors on a mis des guirlandes clignotantes autour des couronnes mortuaires. Il neige et la clientèle se fait rare.

Heureusement, une veuve (Marie Berto) et son beau-frère (Philippe Duquesne) se pointent à la boutique pour organiser les funérailles de leur proche défunt (Féodor Atkine). Avec ce mort tombé du ciel, les affaires reprennent vie. La chance sourit de nouveau à notre trio de croque-morts improbable qui s’ennuyait ferme, voire craignait devoir mettre la clé sous la porte faute de morts à se mettre sous la dent. Mais l’organisation de cet enterrement connaît quelques soubresauts, quelques ratés et imprévus de tailles diverses et variées à même de contrarier toute planification de cérémonie digne de ce nom.

Établies à un carrefour où les poids lourds passent sans s’arrêter, les pompes funèbres Zweck où transitent les poids morts font face à une sorte de saloon un peu lugubre à la décoration kitsch pseudo-asiatique où l’on vient se décharger du poids de l’existence en fixant le fond de son verre. Dans un décor désolé de western moderne (merci à la Pologne et la Belgique d’avoir prêté ces magnifiques paysages de champs, forêts et lac sous la neige ou le blizzard !), Grand froid déploie un humour à la Bertrand Blier qui n’est pas sans rappeler Buffet froid (1979). Les acteurs y sont pour beaucoup (y compris les seconds rôles).

Depuis La Vie très privée de M. Sim de Michel Leclerc (2015), Jean-Pierre Bacri pour  notre plus grand plaisir poursuit ses errances commerciales approximatives. Ici, il ne vend plus des brosses à dents révolutionnaires, mais des cercueils en chêne – qui sentent le pin.

Le prêtre (Sam Karmann) et ses enfants de chœur (des jumeaux roux) sont prétexte à mettre en lumière la mesquinerie et la couardise des hommes d’Église. Les seconds couteaux (la veuve et le frère du mort) laissent entrevoir un croustillant hors-champ, comme si certaines morts tombaient pour certains fort à propos.

Grand_Froid_Arthur_Dupont_Jean_Pierre_BacriCe n’est pas parce qu’on a une vie merdique qu’on aura une mort grandiose… surtout si l’on a confié son dernier voyage à Eddy (Arthur Dupont) et Georges (Jean-Pierre Bacri), employés de choc des pompes funèbres Zweck.

Dépeignant un microcosme hivernal, rude et disloqué, d’où la cupidité, la bonté refoulée et la morosité suintent, Grand froid rétablit un nouvel équilibre en abordant le thème de l’éternité, des épitaphes à prévoir et des vies qu’on ne voudrait pas ratées. Maquillé comme un homme politique qui passe à la télé ou un acteur qui monte sur les planches, le défunt (Féodor Atkine) est là, paradoxalement, pour redonner du sens à la vie. Mais encore faut-il qu’il soit bel et bien mort. Et c’est là le rôle des croque-morts que de s’en assurer.

Grand froid, comédie dramatique franco-polono-belge de Gérard Pautonnier – Avec Jean-Pierre Bacri, Olivier Gourmet, Arthur Dupont, Sam Karmann, Philippe Duquesne, Féodor Atkine… – Sortie le 28 juin 2017 – Durée : 1h26.

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