Kililana Song, de Benjamin Flao

Kililana Song, du Nantais Benjamin Flao : L’Afrique de l’Est (Kenya, Érythrée) superbement saisie en immersion, au pinceau, à l’encre noire et à l’aquarelle.

bd-kililana-song-benjamin-flaoDes planches magnifiques, façon carnet de voyage, des personnages croqués avec espièglerie formant une galaxie vivante, souvent cocasse, qui comprend de nombreuses strates bien réelles de la société : sorcier qui communique avec les esprits des ancêtres ; gamins des rues ; colons aux projets colossaux et controversés ; dealers des bas-fonds et clients perdus ; arnaqueurs patentés de touristes un peu trop naïfs ; djihadistes surarmés ; pêcheurs ; prostituées ; tantine protectrice pour qui « l’important (…) c’est d’avoir des enfants en bonne santé autour d’elle« , p. 71 ; vieux capitaine increvable qui a fait la légion, « un authentique fils de pute, un animal dangereux, ex-para, ex-légionnaire, ex-mercenaire, ce que l’on fait de pire en la matière » (p. 113) ; brouteurs de qat*… La faune dans Kililana Song est essentiellement humaine – même si elle compte aussi quelques djinns** et autres anges des mers***.

On y suit donc les pérégrinations de Naïm, qui préfère musarder dans les ruelles et sur les toits surchauffés de la ville, à la recherche d’une bonne aventure et de quelques schillings à glaner, plutôt que d’apprendre par cœur, dans une madrasa****, le Coran à coup de chicotte. On peut le comprendre. Et c’est avec regret qu’on abandonnera ce petit héros débrouillard, après 272 pages savoureuses qui nous auront rapprochés de l’océan Indien, nous faisant plonger dans les atmosphères dignes de Hugo Pratt et des voyages exploratoires à la Monfreid dont se réclame d’ailleurs l’auteur, et ressentir la chaleur tropicale de ces régions mythiques où l’on construit encore des dhows***** pour la pêche, le transport des touristes, des marchandises… et des rêves de liberté iodés.

couv-Kililana-song* Le qat est une plante hallucinogène et stimulante dont on mâchouille longuement les feuilles.

** Les djinns sont des esprits, entités plus ou moins légendaires récurrentes dans l’imaginaire musulman.

*** Surnom des dugongs.

**** Une madrasa est une école coranique.

***** Un dhow est une embarcation à voile traditionnelle.

Kililana Song, de Benjamin Flao, Éditions Futuropolis, 2016, 272 pages, NB : à déconseiller aux jeunes enfants et à Mme Christine Boutin – car on y parle de came et de putes.

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