De toutes mes forces : un film touchant sur les parcours compliqués.
Pourquoi Nassim le dandy désargenté (Khaled Alouach) qui aime le beau monde et la bonne Eva (Alexia Quesnel), prototype de la jeunesse dorée qui néanmoins aime les bons esprits, ne pourraient-ils pas faire partie du même monde ? Au-delà de cette question (pas seulement rhétorique) qui pose le problème de la ségrégation sociale*, force est de constater que le jeu de ces jeunes acteurs débutants est assez époustouflant.
Quelque part entre La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot (2015) et Ma vie de Courgette, de Claude Barras (2015), se situe De toutes mes forces. Comment grandir quand on est orphelin ? Quand on n’a pas été reconnu par son père et qu’on a eu une mère défaillante ? Comment se construire solidement lorsque les fondations sont fragiles ? Vers quelles ressources se tourner quand celles normalement fournies par le premier cercle familial sont ou taries ou trop toxiques ?
Ici, Nassim (Khaled Alouach) va apprendre à tricher avec le réel pour s’intégrer. Il va s’inventer une aisance, charmante au demeurant, pour masquer son calvaire d’orphelin. Mais se créer un oncle imaginaire fortuné pour donner le change à ses camarades de lycée des beaux quartiers suffira-t-il à réenchanter durablement son quotidien d’adolescent accueilli en vérité dans un centre d’hébergement de l’aide sociale à l’enfance ?
Par séquences émouvantes, crues et pleines d’énergie, De toutes mes forces brosse le portrait d’une jeunesse à plusieurs vitesses – selon qu’elle est nantie ou défavorisée, selon qu’on va aux sports d’hiver ou devant les juges pour mineurs, selon qu’on sait manger les litchis… ou qu’on les croque avec l’écorce.
* « Chad Robert de la Chenouga », c’est ainsi que réalisateur Chad Chenouza se fit appeler, tandis qu’il était au CE2 et que lors d’un rallye où il fut invité, un « aboyeur » lui demanda comment il devait être présenté. Preuve que la mythomanie, porte d’entrée sur le monde des arts, est une bonne façon de changer de vie – et ce n’est pas le réalisateur Erich « von » Stroheim (1885-1957) qui s’ajouta une particule en traversant l’Atlantique, pour lui aussi s’inventer de nobles quartiers, qui osera dire le contraire. Pas plus qu’Hermann Albert Otto Max Feige (1882-1969) qui devint Ret Marut, B. Traven, Traven Torsvan ou Berick Torsvan au fil de ses nombreuses activités.
De toutes mes forces, drame français de Chad Chenouza – Avec Khaled Alouach, Yolande Moreau, Alexia Quesnel, Éric Savin, Jisca Kalvanda… – Sortie le 3 mai 2017 – Musique de Thylacine – Durée : 1h38.
Ouais !!! On peut aussi trouver que le film est assez manichéen dans sa manière de présenter des lycéens, certes plutôt aisés, sans coeur et des jeunes de foyer, brutes au coeur tendre ; caricatural dans sa façon de présenter des éducateurs sans éducation, ou de ne pas présenter des services sociaux qui semblent ne pas exister ; et que penser des non-rapports entre le foyer et le lycée, comme s’il s’agissait de deux entités sans connexion évoluant chacune dans des mondes parallèles ?… Ceci dit, le jeune Khaled Alouach et Yolande Moreau sont parfaits dans leurs rôles, il y a des moments émouvants, mais…
Un film de 2 heures qui résument des tranches de vie est forcément toujours un peu caricatural, forcera le trait. Mais quand ça semble fait de façon sincère, ça fait toujours son petit effet. Et puis, dans la vie de tous les jours, les personnages caricaturaux ou les personnalités excessivement binaires, ce n’est pas ça qui manque non plus… Quant au fait qu’une administration quelle qu’elle soit, soit parfois aveugle, sourde, autiste, implacable et inopérante, ce n’est pas non plus excessivement exagéré…