JP Manova : interview pour 19h07 à 00h07

« Je me suis dit qu’il fallait choisir mon heure pour y arriver. »

Dans le cadre des TransMusicales, JP Manova était parmi les invités qui clôturaient le festival. L’occasion était belle et l’Imprimerie Nocturne a convenu un rendez-vous à 00h07 environ avec celui qui a sorti son premier album intitulé 19h07. On en a profité pour faire une interview nocturne après un concert enflammé (avec la présence de son pote Rocé) pour celui qui est classé comme « le secret le mieux gardé du rap français ». Top chrono !


■ Ce soir, c’était particulier pour toi de clôturer les TransMusicales ?

Ce serait particulier pour n’importe quel mec. Surtout après m’être retenu de faire de la musique pendant longtemps. Quand tu vois qu’un mec comme Jean-Louis Brossard vient de me voir à la fin pour me dire « merci » alors qu’il prend des risques depuis 30 ans à dénicher, à faire des sold out avec des groupes pas connus et qu’il termine son festival par du rap français en soirée de clôture et qu’en plus, il me fasse cet accueil-là… Même si j’ai longtemps hésité sur le bien-fondé d’une carrière, je me dis que ce n’est pas si mal !

C’était la première fois que tu jouais sur Rennes ? 

Oui… ah non j’étais venu il y a une quinzaine d’années avec 2 bal 2 Neg, je faisais les backs.

Un retour par la grande porte du coup ?

Hmm… un retour par une autre porte en tout cas.

jp-manova-live-band

Sur scène, tu étais accompagné d’un live band. Tu as choisi aussi un format vidéo sur scène ce soir. Pourquoi ?

Je trouve que pour avoir un impact intéressant, il faut associer de la musique à une image. Quand certaines personnes parlent entre eux d’une musique, ils peuvent dire « ah mais tu te rappelles du mec qui était habillé en rouge ». Il y a un visuel qui est associé. Après je verrai plus tard si je le garde ou pas. En tout cas je fais mes tests et vous êtes mes cobayes (rires). C’est une proposition qui est faite : tu peux regarder le groupe ou l’écran. C’est un choix pour le public. Mais j’aimerais travailler sur un vrai show avec une vraie dimension vidéo, avec un vrai travail de lumière. Je travaillerai aussi avec une collagiste, qui fait des super choses au niveau artistique.

Ton album se nomme 19h07. Pourquoi ce titre ?

C’est la première fois qu’on me pose la question. Parce que j’ai pris du temps avant de faire ce projet et sortir ce premier album. J’ai souvent entendu sur mon parcours « c’est dommage, t’aurais pu faire un truc à une époque ». Il y a aussi cette notion de temps qui revenait et je me suis dit qu’il fallait prendre possession de ce temps et choisir mon heure pour y arriver. Après ce n’est pas une heure fixe.

T’es un « vieux de la vieille ». T’as fait déjà de nombreuses collaborations…

J’ai commencé seulement cette année. Pendant longtemps, je n’ai pas commencé.

Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

Je n’ai pas eu cette impression, je n’ai pas vu le temps passer. J’ai vécu des choses intéressantes dont je me suis nourri, j’ai travaillé, j’ai voyagé… C’est toujours intéressant de discuter avec quelqu’un qui a de la gamberge. Je considère qu’engager une conversation avec le public, c’était intéressant de le faire en ayant du contenu.

T’as attendu d’avoir du contenu pour lancer ton projet ?

19h07_jp_manova

19h07, ou comment prendre le train en marche…

Je me suis juste rendu compte que j’en avais assez. Je vois souvent des gamins de vingt berges qui parlent de leur vécu… Ça me fait doucement rigoler car certains n’en ont pas et on ne peut pas non plus leur en vouloir. Personnellement, c’est ce qui rend la nature de ce que je fais un tant soit peu « intéressant » entre guillemets. Dans ce que je propose, il y a du voyage, de l’évasion… et vingt années de gamberge.

Dans une interview, Al qui a sorti récemment Au Pays des Lumières, rappelait que le rap avait un problème avec le jeunisme. Est-ce que c’est aussi ton ressenti ou pas ? 

On peut choisir de le voir ou pas comme un problème. Personnellement non. J’essaye de naviguer en hors-piste par rapport à ça et je veille à ne pas m’inventer des problèmes. Je pense que le rap est une musique à part entière et il n’y a pas d’âge pour faire de la musique. Si certains essayent d’associer le rap à une catégorie d’âge, ils se trompent. Attention, je ne suis pas là pour dire à tout le monde « vous vous trompez » non plus. Je ne suis pas Zorro. De mon côté, j’essaye de faire de la musique qui me ressemble et qui correspond à l’âge que j’ai.

 

« Aujourd’hui, dire “j’aime le rap” ou “je n’aime pas le rap”,

ça ne veut plus rien dire. »

Dans ton clip « Longueur d’onde », on voit Rocé, Mc Solaar, Deen Burdigo ou encore Ekoué de la Rumeur. Plusieurs générations de rappeurs… T’es finalement un rappeur intergénérationnel non ? Comment tu te situes par rapport à ça ? 

Le rap est jeune dans l’histoire de la musique. On commence à voir la première génération de quarantenaires qui écoutent du rap. Ce sont les premiers à avoir écouté du rap et ils n’ont jamais arrêté de le faire. Et ça a tenu ! C’est un peu le même problème qu’a connu le rock à une époque lors de ses débuts. Le rock était une musique de jeunes. C’est resté dans les âges et ça a pris différentes formes. Tu peux écouter du Téléphone, du Motorhead, du Bowie, du U2… Il y en a pour tout le monde. C’est comme pour le rap aujourd’hui. Il y a différentes formes de rap réalisées par différentes personnalités. Aujourd’hui, dire « j’aime le rap » ou « je n’aime pas le rap », ça ne veut plus rien dire. Et ça voudra de moins en moins dire quelque chose. De quel rap tu parles ? De quel rock tu parles ? De quel jazz tu parles ?

On va revenir à ton album. Dans le texte « Pas de bol », dans ton refrain « pas de bol, j’aurais dû taffer à l’école », je sens un brin de fatalité.  Est-ce que c’est le cas ? 

Je ne pense pas que ce soit fataliste. Je n’ai pas vocation à faire la leçon. Au contraire, je propose des choses, il y a des motifs d’espoir. Qu’est-ce que tu ressens de fataliste ? Je te retourne la question-là (rires).

Hum… (L’intervieweur pris au piège par ses propres réflexions). Dans le côté « pas de bol », il y a un côté « pas grave »… C’est peut-être plus nihiliste que fataliste dans ce cas. 

Ouais c’est peut-être plus ça. Tant mieux après si c’est interprétable et que ça donne des lectures différentes. Pour moi, il n’y a pas de fatalité dans la manière dont je perçois les choses. Le refrain de « Pas de bol », ça veut juste dire qu’il faut que je m’accroche. Je fais un constat sur ma situation et sur la situation de beaucoup de gens qui travaillent et qui s’accrochent. C’est un morceau où j’ai eu de bons retours de la part de ces gens qui charbonnent. Je trouve que c’est un thème trop absent dans le rap car malheureusement beaucoup de rappeurs n’ont jamais travaillé. Beaucoup de rappeurs ont percé tôt et ne connaissent pas ça. Après l’interprétation des morceaux, ça ne m’appartient pas.

Dans ton album, il y a des titres comme « Skinhead aux cheveux longs », « La Barbe de Morgan Freeman », « Is Everything Right ». L’apparence est un thème qui revient souvent. C’est un thème qui te tient à cœur ?

C’est un peu en toile de fond sur tout l’album. J’essaye juste de voir plus loin que l’aliénation mentale, de voir entre les lignes et au-delà de l’apparence.

Est-ce que tu trouves que l’apparence est « primordiale » dans la musique ? 

Si je réponds à cette question, j’aurais l’impression une nouvelle fois de me prendre pour Zorro. Je n’ai pas envie de juger les autres par rapport à ça.

Quels sont tes projets pour la suite ? 

J’ai une réédition de l’album en cours avec 5 titres supplémentaires. Ce sera fait entre décembre et janvier 2016 je pense. Je continue de bosser des clips, de faire d’autres morceaux. J’ai également un projet de deux titres avec un monsieur qui m’a gentiment invité et qui s’appelle Arthur H.

bukowski-itachiTu es aussi sur le dernier projet de Lucio Bukowski, Kiai Sous la Pluie Noire. Comment est-ce que la connexion s’est faite ?

Par les clubs échangistes (rires). Non je rigole, c’est via les réseaux sociaux. Il m’a vu à un concert à Lyon et on s’est capté. C’est marrant mais quand on s’est vu la première fois, c’est comme si on se connaissait depuis longtemps. C’est aussi le cas avec Sameer Ahmad qui m’a vu à la fin d’un concert.

Pour reprendre tes textes, à quel point penses-tu être libre JP Manova aujourd’hui ? 

Je pense que la liberté, c’est plus un chemin qu’on emprunte qu’une destination. C’est une recherche sur laquelle je suis, sur laquelle tu es aussi et que nous sommes tous. Je pense la toucher du doigt parfois mais je pense aussi me tromper de route parfois. Je tends vers ça en tout cas.

Merci à JP Manova, l’équipe de l’Ubu et des TransMusicales pour leur accueil.

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