Nous trois ou rien, de Kheiron

Nous trois ou rien, de Kheiron : une plongée (épique et romancée) dans les geôles iraniennes, qui s’achève en banlieue parisienne.

 

Nous évoquâmes, il y a peu, en ces glorieuses colonnes, l’enfer tonitruant de la mort standardisée mis en place dans le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau ainsi que le cauchemar que les membres de la Rote Armee Fraktion vécurent durant leur captivité (qui leur fut fatale). Nous trois ou rien reprend cette même thématique des dérives de l’enfermement totalitaire, par le biais cette fois-ci non pas de la chasse aux juifs, aux tziganes et autres communistes orchestrée par le régime nazi de 1933 à 1945, ni non plus des peines infligées en ex-RFA aux membres de la Fraction Armée Rouge, mais par le biais de la mise aux fers des dissidents politiques dans l’Iran soumise au shah محمد رضا شاه پهلوی, puis à l’ayatollah Khomeiny (suite à la révolution de 1978 qui destitua ledit shah, pour le remplacer par ce théocrate chiite non moins despotique).

Traitée avec humour – hé oui ! sacré challenge relevé là par le réalisateur Kheiron –, cette période pourtant sombre, en tout cas mouvementée, de l’histoire moyen-orientale est vécue via les tribulations d’un jeune avocat insoumis, Hibat (joué par Kheiron), qui croupit derrière les barreaux avec ses camarades de lutte, et de sa belle compagne Fereshteh (Leïla Bekhti), dont le père est campé par un Gérard Darmon très (très) attachant en patriarche débonnaire. À noter : c’est l’histoire de ses propres parents, et donc à proprement parler la sienne, que Kheiron met ici en scène. Certaines scènes sont ainsi très émouvantes, le réalisateur y ayant mis ses plus beaux sentiments.

hibat

Hibat et ses camarades sont portés en triomphe à leur sortie de prison… L’ironie, la mémoire, l’amitié et la persévérance semblent ainsi être des armes réellement valables pour lutter contre l’adversité – en l’occurrence ici, dans Nous trois ou rien, la police d’État et l’intégrisme religieux.

La seconde partie se déroule, non plus dans les geôles et les montagnes iraniennes, mais dans la banlieue parisienne des années 80. Un peu moins exotique et nettement moins mordante, elle a néanmoins le mérite de souligner (en ces temps qui voient fleurir à foison sur la terre des droits de l’Homme centres de rétention et autres guérites douanières chargées de contrôler l’expulsion en bonne et due forme des migrants venus chercher réconfort et protection en Occident) que les citoyens français les plus actifs (et les plus pertinents) sont régulièrement et très naturellement issus de l’immigration et qu’en conséquence de quoi, vouloir à tout prix et sans discernement juguler celle-ci est un non-sens politique doublé d’une aberration morale.

Nous trois ou rien – Film français de Kheiron – Avec Kheiron, Leïla Bekhti, Zabou Breitman, Gérard Darmon – Sortie le 4 novembre 2015 – Durée : 1h42

2 comments

  1. Maurice Le Rouzic /

    J’aurais dit à peu près la même chose, mais pas mieux. Je regrette simplement que la deuxième partie (Stains, Pierrefitte, la banlieue) sombre un peu trop dans les trop bons sentiments. Même si c’est un bel hommage du fils à ses parents le côte presque « christique » de ceux-ci m’a gêné.

  2. Cyrille Cléran /

    Hello Maurice, il faut dire que la première partie est tellement drôle, surprenante et réussie qu’il était sans doute compliqué de garder tout du long la même intensité.

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