La réalité…il y a dix mille façons de la décrire et de la vivre. Combien même ce qu’on voit n’est pas toujours correctement interprété. Georgio, c’est la rencontre de sa réalité avec celles des autres. Son écriture, c’est d’abord ses yeux. C’est ce qu’il a créé avec Bleu Noir, son nouvel album sorti en octobre dernier. Après avoir assuré un très bon EP avec À l’abri, Bleu Noir s’impose comme une évidence. Pour rappel, cet album a été financé par ses propres auditeurs. Où se trouve alors le « je » dans cette histoire ? Georgio nous le rappelle en musique.

« J’ai perdu mon innocence avant de connaître la balle au prisonnier. » [Bleu noir]

« Vivre dans l’apparence, c’était beaucoup de galères ».  On se souvient de la lucidité de Disiz. Il y aura désormais celle de Georgio : simple et honnête. Il n’en parle pas, il l’applique. Celle d’un mec qui a cru en ses rêves et qui n’en fait pas n’importe quoi. Malgré la teinture sombre et bleutée qui coule tout au long de cet album, on est empreint de nouvelles envies et de nouveaux horizons. Il y a des rayons beaucoup plus lumineux que d’autres. C’est ce qui donne à un disque toute sa dimension : « Apaiser les esprits le temps d’un album, pour mettre en forme tous les gens qui touchent le fond ». Cette phrase résume tout l’or de Bleu Noir.

On démarre avec un Jeudi Gris. Superbe. Juste superbe. On se pose alors les questions légitimes : est-ce que l’album va tenir 14 titres ? Est-ce qu’il ne va pas s’essouffler à un moment donné ? Je vais paraître peu objectif (comme toujours) mais la réponse est : non.  C’est fou, on ne s’emmerde pas ! Pas une seconde. Bercé par le vent continue d’attiser le feu avant le sublime Les Anges déchus, les gens déçus. C’est une partie du titre d’un film de Wong Kar-Wai aussi. Clip magnifique, quelques touches de piano, une ambiance interstellaire. Certains morceaux m’incitent à la comparaison avec son poto Vald. Déjà parce que leurs visions architecturales et socio de la banlieue se complètent parfaitement avec Urbanisme pour l’un, Les anges déchus pour l’autre. Ensuite, parce qu’une prod ressemble étrangement à Selfie de Vald, il s’agit de Malik. Un morceau poignant retraçant un destin tragique. Peut-être que j’ai eu le tort d’avoir trop écouté les albums des deux rappeurs. Néanmoins la comparaison s’arrête là, ne vous inquiétez pas.

« La solitude fait écho à mon propre moi / Quand la terre me met hors de moi. » [Jeudi Gris]

Avec Bleu Noir, on passe par tous les états d’âmes et Dieu seul sait que nous sommes des petits êtres sensibles. Héros et Rêveur pour l’espoir qui remplit nos têtes. Appel à la Révolte, 6 avril 93 pour la rage au cœur. Malik, Des mots durs sur des bouts de papier ou Rose Noir pour les amours déchus.  Dépression pour le vague à l’âme. Et on en passe. On parle parfois politique avec Georgio avec 6 avril 93. Récit d’une époque d’insécurité pour les banlieusards. À l’heure où beaucoup manifestent pour une justice « plus fiable », Georgio juge bon de signaler que « le quartier méprise les lois et [que] le soir la police dérape », dénonçant ainsi les dérives des forces de l’ordre.
Pas de justice pas de paix. Faut tenir est un titre évocateur entre la violence des siens, les coups durs et les incompréhensions liés à une hausse de popularité. Le refrain est surpuissant là encore.

Des récits de vie. Un état des lieux à plusieurs étages. C’est humain. Ça sonne fort. On y voit la fragilité de tout un homme et ses forces. C’est de « l’égo-tripes » (et non « trip ») à l’état brut. C’est ce qu’on voulait entendre (pour ceux qui veulent bien écouter). Bleu Noir, ou comment tout transformer en or par de simples mots. Comme quoi, malgré notre jeune âge, on peut être loin d’être con.  Bleu Noir, c’est l’anti-généralisation, « c’est plus que de la musique ou des textes » comme dit Georgio.

 Appel à la révolte – Extrait de Bleu Noir de Georgio – Sortie le 16 octobre 2015 et disponible sur Itunes -

En concert le 20 Novembre à la MJC Antipodes à Rennes (et c’est archi complet)

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