Par accident, un film de Camille Fontaine

Par accident : un drame de Camille Fontaine sur ce qui est nécessaire, ce qui ne l’est pas et sur les confusions, toujours possibles, entre ces cas d’espèces.

par-accident_533x800La route, c’est dangereux. Pas nécessairement, mais en « puissance » pour reprendre la terminologie aristotélicienne, c’est-à-dire par accident. On l’a vu dans La Volante, par exemple, où un conducteur malheureux percute un gosse sur la chaussée, avant de subir la vengeance, tardive, de la mère du gamin renversé que la douleur a rendue folle. Dans ce long-métrage de Camille Fontaine, Amra, jeune Algérienne en passe d’obtenir des papiers français shoote elle aussi un gus qui avait eu la mauvaise idée de croiser sa trajectoire. Drame banal de la route, lieu accidentogène s’il en est, donc. Mais là où La Volante déroulait l’histoire assez invraisemblable d’une mère aussi perfide qu’éplorée, Par accident développe une intrigue nettement plus subtile, complexe comme la vie, retors comme le destin si souvent tortueux ou ironique et quoi qu’il en soit toujours positivement imprévisible.

Car si Amra (Hafsia Herzi) est une mauvaise conductrice infortunée qui a de bonnes raisons d’être un peu flippée – et notamment à cause de son fol espoir d’entrer en possession d’une pièce d’identité en bonne et due forme qui potentiellement, sait-on jamais, lui permettrait de changer de vie et de quitter la blanchisserie où elle travaille illégalement et la cabane qu’elle occupe avec mari et enfant dans l’arrière-pays varois –, une intrigante, Angélique (Émilie Dequenne), vulgaire, jouisseuse, rousse flamboyante extravertie, un peu voyou et mytho sur les bords, va intervenir, telle une bonne fée, improbable bonne Samaritaine (ou petite escroc sans envergure ?), qui mélange les cartes et les redistribue.


Par-accident_amraAmra (Hafsia Herzi), devant son cabanon de fortune, peint aux couleurs de l’Algérie…
 

Laquelle des deux est la plus à plaindre ? Qui sauve qui ? Et pourquoi ? Laquelle triche et se fourvoie ? Les rapports entre les deux femmes se complexifient, intelligemment, à un point tel que je ne peux m’empêcher d’y voir un symbole. En effet, nous sommes des êtres de représentation n’est-ce pas ? Avant de représenter l’humanité toute entière, nous nous représentons nous-mêmes. Puis nous représentons notre famille. Puis notre village (ou notre ethnie, ou notre catégorie socio-professionnelle…), puis notre région, notre continent – voire, vis-à-vis des générations futures, notre époque. En ce sens, il est légitime de penser qu’Amra et Angélique symbolisent leurs pays respectifs, l’Algérie et la France, ces nations voisines, aux destins entremêlés de par leur proximité géographique de part et d’autre de la Méditerranée*, de par leurs intérêts communs, de par les épreuves traversées, de par leurs richesses complémentaires et de par la fascination réciproque tantôt fertile tantôt mortifère que l’une exerce sur l’autre.

* En prolongement, nous ne saurions que trop vous inciter à la lecture du recueil de nouvelles, Méditerranée, illustré par le Rennais Srï, paru en mai 2015 aux très studieuses et toujours très érudites éditions Perséides.


Par accident, drame de Camille Fontaine- Avec Hafsia Herzi, Émilie Dequenne, Mounir Margoum… – Durée : 1h25 – Sortie le 14 octobre 2015 – Musique de Christophe

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