Kacem Wapalek salit sa rue. Mais proprement.

Il y a des albums qui sont fortement attendus. Le 1er album de Kacem Wapalek, Je vous salis ma rue, est sorti le 27 avril 2015, après plusieurs années d’attente, depuis les prises chez Oster Lapwass. Il y a des albums qui sont fortement attendus, et qui s’avèrent arriver à point.

kacem-wapalek-je-vous-salis-ma-rueAprès Dragon Rash de Demi Portion et La Plume et le brise-glace d’Anton Serra et Lucio Bukowski, voilà que l’album de Kacem Wapalek a réussi à se placer dans les meilleures ventes d’une enseigne franchisée dont nous tairons le nom. Le rap français indépendant se porte bien et tant mieux pour lui; car depuis plusieurs années ce n’est pas sur le numéro un du rap qu’il faut compter pour découvrir quoi que ce soit. Les bienfaits d’internet existent. Kacem Wapalek avait commencé à poser, comme ses potos Serra, Bukowski, Dico, La Mousse, chez le producteur lyonnais Oster Lapwass. Et Kacem Wapalek se distinguait déjà avec un flow bizarre, tendu et suspendu, une plume qui flingue et une rime qui dégaine; une voix entre un flow rap et une chansonnette, s’amusant avec les lettres de l’alphabet, amoureux du mot et dompteur de verbe. Alors qu’est-ce que cachent cette belle contrepèterie et ses 15 titres ?

« Le premier sur le rap ne passe que les derniers d’la classe » Pas facile

La voix de Flora Thomas nous accueille sur l’introduction, on se croirait à la radio, dans une émission tendance Fip et volupté; la voix féminine pose des questions. Coup de scratch pour les réponses. Sur la question du parcours, il faudra écouter l’album; après un silence, Kacem Wapalek constate, en philosophe sur instru jazzy, que « Le temps passe », un titre en guise de baume au cœur pour ceux qui restent au comptoir. Toujours plein de bons conseils, l’ami Kacem poursuit avec « Pas facile »; ça taille, avec politesse et vocabulaire, mais surtout avec talent, dans le tas de ceux qui visent le sommet de l’industrie du rap français sans faire à leur façon. Entendons donc, comme tout le monde. Et s’il y a bien quelque chose que Kacem Wapalek fait depuis le début, c’est sortir des rangs et de la norme, faisant partie des rares « survivants écrivains »; alors le 1er de la classe, tu te mets « Vingt sur vingt » ? Ok. Le mec capable de poser un « mal au dos ré mi fa sol » avec nonchalance sur une instru à base de piano, comme ça, paf, au milieu d’allitérations qui s’enchaînent, de jongle verbale qui ne redescend plus, force quelque peu le respect. Kacem, t’as une plume greffée dans la main ?

« C’est une petite brassensserie wapalekienne, une wapalekerie brassenssienne »

Kacem aime bien chanter aussi, et Brassens n’aurait sûrement pas renié la chanson « Marie-Jeanne », posée sur quelques accords de guitare, avec une façon d’écrire spécialisée dans l’homéotéleute*, qui force l’oreille pour suivre l’histoire. La simplicité de jouer avec les mots autant qu’avec les sons, comme c’était déjà le cas sur « Des chiffres et des lettres » sorti en 2010; le jeu marche aussi avec les chiffres, comme sur « Décalages » qui s’en va se promener sur une basse beaucoup plus reggae. Mais si le emcee aime s’amuser avec les mots, il rappelle judicieusement sur « Politique » que « tout ça, c’est pas du cinéma » : « C’était la France aux Français, déjà l’Afrique aux friqués, bientôt la terre aux riches ici les terroristes s’appellent Massoud et les démocraties tuent pour du mazout ».

Passé la moitié du disque, le constat sera sans appel : ceux qui aimaient déjà Kacem Wapalek seront comblés pendant près d’une heure (mais peut-être un peu déçus de voir certains anciens titres recyclés). Ceux qui n’avaient pas encore d’avis feraient bien de s’en faire un vite fait bien fait. Pas de temps mort dans les textes, et paradoxalement c’est ce qui constitue tout autant l’écueil du disque. De légers ralentis sur « Photographe » et « Insomniaque », qui taille au rappeur une production sur mesure, entre basse vibrante et nappes planantes qui laisse à la voix toute la place qu’il faut pour vider ce qu’elle a au fond de la plume : le parfum de la rue. Kacem Wapalek fait partie de ceux qui ont le vocabulaire et l’encrier en intraveineuses, et savent s’en débarrasser avec finesse.

* Répartition d’un même « son » à la fin d’une phrase ou des membres d’une phrase.

PS : une fois n’est pas coutume, Kacem Wapalek est bien placé dans les ventes sans avoir un seul clip promo à insérer dans notre article. Du coup on vous recolle ce freestyle de 2012 (dont le texte est replacé sur l’album avec « Gosse beau ») et qui nous rappelle que beaucoup ont réussi à tenir 3 ans avec ce simple « le 1er album arrive ».

Kacem Wapalek – Je vous salis ma rue – Un album de 15 titres + 1 bonus sorti le 27 avril 2015 – Durée 52 minutes

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