Safirius est surtout connu sur la scène rap rennaise pour être mc chez Micronologie. À la fin de l’été, il annonçait la couleur d’un projet solo avec Darjeeling Speech et un Ep sous le bras, Proses fantômes. Pour décembre 2014, le voilà propulsé sur la scène des TransMusicales. Rencontre.
■ Bonjour Safirius, pour ceux qui ne te connaissent pas peux-tu te présenter en quelques mots ?
Ben je suis Saf, je fais partie d’un groupe qui s’appelle Micronologie et qui a fait pas mal de scène sur Rennes, et là plus récemment j’ai monté un projet solo qui s’appelle Darjeeling Speech.
■ Darjeeling speech, pourquoi ce nom, c’est une invitation à prendre le thé ou un hommage à Wes Anderson ?
Ni l’un ni l’autre ! C’est un délire, c’est surtout l’aspect speech qu’il faut retenir. Darjeeling ça renvoie peut être à 6h du mat’ quand tu bois du thé pour tenir la nuit.
■ Quand est né le projet ?
Quand je bossais sur les textes d’Auden, qui travaillait sur sa guitare, et un jour entre deux sessions d’écriture alors que j’avais déjà le texte de « Zombies sur le boulevard », on en a fait quelque chose. Ça s’est fait naturellement, puis on a fait d’autres morceaux. Ensuite je suis parti à Istanbul avec Damien Stein, d’où je suis revenu avec le clip de « Zombies ». Petit à petit on s’est retrouvé avec un projet, une couleur, quatre morceaux qui présentaient un début d’ensemble; puis au fur et à mesure des rencontres qui ont été déterminantes.
■ Tu viens de mentionner le clip; pourquoi Istanbul ?
Déjà on voulait faire le clip avec Damien, on avait déjà eu des idées de mise en place, mais faute de moyens, de temps, on savait plus ce qu’on voulait. À un moment je me suis tiré à Istanbul pour prendre l’air, Damien ça faisait un moment qu’il voulait voyager, et voilà ça s’est fait. La ville tombe vraiment bien pour le morceau, par rapport à l’errance, aux chimères, un univers entre le réel et le rêve, entre deux états, deux mondes.
■ Le projet se présente comme sur scène ?
Ben moi déjà, on va commencer par l’évidence ! Ensuite il y a Auden aux machines, Matthieu Seignez à la guitare et Sam Frite, qui était Dj sur Micronologie, à la batterie. C’est là où on se marre bien sur scène car chacun est à contre-emploi, puisque Auden est plutôt guitariste, Matthieu est plutôt bassiste, et Sam qui avait fait de la caisse claire en bagad mais qui est surtout Dj !
■ Ça fait quel effet de se retrouver avec un projet tout frais propulsé dans la programmation des TransMusicales ?
C’est chouette, c’est un départ idéal, après ça fout aussi la pression derrière parce qu’il faut abattre un mur de travail pour préparer ça. En même temps, ça fait plaisir, ça met en confiance, on se dit qu’on est sur la bonne voie. Tu perds jamais de vue le boulot qu’il y a à faire, c’est pas une pression négative en fait.
■ Il y a un projet d’album au bout après cet Ep Proses fantômes ?
J’aimerais bien. Le souci pour l’instant c’est d’être visible, de profiter de la visibilité des Trans pour faire un Ep un peu comme une « carte de visite », je fonctionne étape par étape; à terme j’aimerais bien en faire un album, mais dans l’instant présent je me focalise plutôt sur la sortie de l’Ep, son identité visuelle. Continuer à trouver des dates et avoir une base solide, mais il y a déjà des morceaux.
« Vaut mieux s’absenter si on a rien à dire. »
■ L’album de Micronologie Équations verbales vient de sortir; pourquoi avoir mis autant de temps depuis le précédent album Art rythme éthique sorti en 2009 ?
L’organisation, la vie de chacun, les priorités qui changent. Ça c’est pour l’aspect humain, mais plus techniquement avec Micronologie on est un peu reparti de zéro; on avait déjà un sacré bagage pour Art rythme éthique, une charrette de morceaux où il y avait qu’à faire le tri. Là on a du réécrire, pour les 13 morceaux qui ont été gardés on a dû en faire 20, 25. On a pris notre temps, mais en même temps c’est pas plus mal, vaut mieux s’absenter si on a rien à dire.
■ C’était un choix d’avoir une multitude de producteurs plutôt qu’un seul pour les sons de l’album ?
Non c’est pas un choix, c’est plutôt d’être allé vers nos envies musicales. On a toujours travaillé avec Soul square ou par nature on est affiliés à eux, mais il y avait peut-être une envie d’évolution d’aller vers des sons différents; je pense au morceau « Game over » avec Cooper Watson, au départ c’est pas dans notre gamme de son, mais la prod était mortelle, on a tous kiffé dessus. Pareil pour la prod de Dj Marrrtin. Si demain on avait un voisin qui s’essayait à la production et qu’il y en a une qui nous plait on n’hésiterait pas non plus ! Ça rejoint un peu la question d’avant, plus le temps passe, plus il y a des choses que t’as envie d’explorer; là on est plus ensemble, c’est peut-être ça qui a pris plus de temps.
■ Ce travail d’écriture à trois ça se passe comment, vous écrivez chacun dans votre coin d’abord ?
Oui. Peut-être qu’à la fin, de se voir moins, on a misé sur un thème général pour se faire plaisir et foncer; ça dépend des morceaux, sur « Tu nous as pas vus venir » c’est un freestyle, ça a cette forme-là. Il y a plus vraiment de méthodologie en fait.
■ La thématique du rapport à la ville revient régulièrement, quel serait ton rapport avec Rennes ?
Justement sur cet album-là, le fait qu’il y ait eu d’autres horizons, c’est peut-être un peu moins Rennes; il y a un clip tourné à Paris, on devrait peut-être en faire un à Bruxelles, c’est un rapport à la ville qui s’est généralisé ou décentralisé. Rennes reste notre ville d’origine, mais K.Oni a sûrement un pan d’écriture lié maintenant à Paris. Notre culture est urbaine avant tout, c’est inhérent au rap, mais finalement le titre « Trottoirs de ma ville » ça pourrait être les trottoirs de n’importe quelle ville.
« La nuit la ville t’appartient. »
■ Au tout début tu parlais du thé à 6h du matin, tu écris la nuit, tu parles d’errance, ce sont des sources d’inspiration privilégiées ?
Tout, la télé, les émissions, l’histoire, les errances, la crasse, les soirées; ce que j’aime bien c’est zoner, je prends des notes tous les jours. J’écris pas forcément tous les jours, mais je prends des notes tous les jours en marchant. La nuit, pour revenir sur la ville, la ville t’appartient, les rues désertes c’est vraiment un truc de chien errant, et j’adore; ça revient depuis un petit moment, cette idée de zoner, tu sais pas où tu vas mais t’y vas. La ville c’est aussi le fait de se réapproprier un endroit, et de pouvoir y penser sans la présence des autres qui en temps normal est collectif.
■ La nuit, la ville, ça fait des siècles que tout le monde écrit dessus; quelles seraient tes influences pour l’écriture, des auteurs qui t’inspirent ?
Rimbaud, même si je connais pas toute son œuvre; lui est fascinant en tout cas, j’ai toujours aimé les belles phrases bien faites et lui il explose le truc ! Oxmo, fatalement, c’est logique, incontournable. Rocé, j’aime beaucoup Rocé il est toujours très pertinent, il s’adresse aux gens, en parlant d’eux, Identité en crescendo pour moi c’est un chef-d’œuvre d’écriture. Après je sais pas, comme ça il n’y a rien d’autres qui me vient. Je lis pas tant que ça mais j’aime bien les phrases, les tournures de phrases sont importantes, toutes les figures de style, tout ce qui est métaphorique comme chez Senghor.
■ Tu penses quoi de la scène rap à Rennes ?
Il y a trois festivals hip-hop avec Urbaines, Quartiers d’été et Dooin’it, il y a une activité assez dense. Après la scène locale se prend quand même pas mal en main, un truc d’autogestion qui est cool, et ce qui est encore plus cool c’est que le public répond. Il y a une diversité de styles où en terme de densité tu trouves pas ça dans beaucoup d’autres villes je pense. Les époques changent, il y a moins d’open mic, et il y a toujours les « gros noms » qui font pas forcément l’unanimité, mais avec internet tu peux partir dans le hip-hop que tu veux, on n’a plus besoin de Skyrock pour avoir du bon rap, c’est ça que j’aime bien aussi avec cette époque. J’écoute beaucoup de scène locale au final.
■ Ton dernier coup de cœur musical ?
Un groupe local que je connaissais pas du tout qui s’appelle Sudden death of stars, du rock psyché, c’est assez hippie en fait, j’ai adoré. Sinon… je cherche (moment d’intense réflexion)… L’Asile ils ont fait un super truc, Pepso Stavinsky, mais bon c’est mon pote donc je suis pas très objectif. Et j’ai été scotché par un vieux titre de la Motown du groupe The Miracles, « Shop Around ».
Darjeeling Speech en concert à l’Étage dans le cadre des TransMusicales
Vendredi 5 décembre – 18h30 – Gratuit
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