Réaliser son premier documentaire en autoproduction, ce fut une aventure tentée par Tristan Grujard et dont le résultat s’intitule Les Caresses de Prométhée. Un film de 26 minutes, accompagné d’une série de photographies. Rencontre avec un réalisateur, et un village grec en éco-construction.
■ Pour commencer, est-ce que tu peux présenter ton parcours ? Comment en es-tu venu à la réalisation ?
J’ai un parcours qui n’est pas lié à l’audiovisuel tel qu’on peut l’enseigner dans les écoles de cinéma. J’ai fait les beaux-arts, à Rueil-Malmaison puis à Bourges pour valider le DNSEP (Diplôme national supérieur d’expression plastique) ; après ces cinq ans d’études j’ai eu l’occasion de partir un an dans une ferme en Angleterre avec mon caméscope. J’ai commencé à filmer ce que je voyais, ce que je vivais, et ça a été un moment décisif. À Rennes je me suis rapproché d’un ami cinéaste, David Cenciai, avec l’idée de commencer des travaux, des recherches, des discussions sur le cinéma et notamment le cinéma documentaire.
■ Avant d’arriver aux Caresses de Prométhée, quelles ont été tes précédentes réalisations ?
Avant mon cursus aux beaux-arts j’étais déjà captivé par l’image, et j’ai rapidement rencontré l’art vidéo ; durant mes études j’ai réalisé plusieurs installations, vidéo-projections, que ce soit en exercice, ou à mon initiative. Ensuite j’ai réalisé Fukushima mon amour ; j’ai filmé un couple à Rennes dans une manifestation anti-nucléaire, et c’est une situation qui m’a permis d’explorer plus loin le cadrage, tout en alliant mes recherches passées et mes questionnements sur le cinéma documentaire. Après j’ai tenté également avec des colocataires d’approcher les problématiques de la Zad et de Notre-Dame-des-Landes, un terreau assez fertile avec une situation d’ordre politique, avec en même temps un espace, un territoire. J’ai tenté l’année dernière d’en faire une réalisation, ce qui n’a jamais abouti ; j’en parle pas non plus comme un échec car en faisant ses armes tout seul sans passer par une école, c’est une nécessité de se confronter à la réalité d’un tournage, surtout dans un espace aussi politisé ce qui n’a pas été très évident.
■ Avant de parler du film, peux-tu expliquer le titre Les Caresses de Prométhée ?
C’est autant lié à ma manière de filmer, d’une façon assez proche du corps, qu’à l’attirance du photographe, Damien Remanjon, et moi-même de partir en Grèce ; ça vient de l’étude qu’on fait en amateur depuis un moment de la philosophie grecque. Prométhée dans la philosophie contemporaine est employé avec son frère Épiméthée pour parler des question de fautes et de responsabilité. Concernant l’endettement de la Grèce, certains penseurs actuels ont blâmé les dirigeants grecs ; nous étions partis pour ce voyage avec un livre de Bernard Stiegler États de choc – Bêtise et savoir au XXIe siècle qui fait également référence à Prométhée.
« Ce film a été fait un peu à l’envers. »
■ Il y a des moments contemplatifs dans le film, silencieux, alternés à des moments de paroles ; tout était scénarisé à l’avance ?
C’est un premier film, et un ami en a dit que c’était un « premier bon et maladroit film » ; je trouve sa critique assez juste. C’est un film auto-produit, on a reçu un financement du Crij Bretagne mais qui reste minime pour une production de film. Je n’étais jamais allé à la pêche aux subventions avant, je débarque un peu depuis deux ans dans cet univers de production, réalisation et diffusion de films, que je découvre tout à coup et c’est très palpitant. Ce film a été fait un peu à l’envers ; c’est-à-dire qu’on est partis caméra et objectif sous le bras en n’étant pas sûrs de la situation de tournage qu’on allait pouvoir appréhender, et tellement pas sûrs que quand on est rentrés je suis revenu sur le montage bien après. L’objectif était quand même de redonner à travers une lutte positive une part de vitalité à un pays sali par sa situation économique, politique et sociale. L’éco-village, on nous en a parlé à Athènes où il nous a été difficile de filmer. Une fois sur place on nous a donné l’autorisation de tourner.
■ Est-ce que tu as déjà de nouveaux projets de réalisation ?
Oui, je souhaite partir au village de La Borne pour filmer une technique de cuisson traditionnelle de la céramique. Ce projet est plutôt bien avancé puisque je suis dans une bonne phase d’écriture, et que j’ai contacté des gens là-bas qui sont prêts à m’accueillir pour me montrer les rudiments de la cuisson à bois. Ça peut sembler être un sujet assez inintéressant tendance « culture et patrimoine » ; néanmoins tel que je connais cette vie de potier dans ce village qui est à mes yeux un vrai repaire de pirates, d’indiens et d’anarchistes des 70′s, il y a une temporalité intéressante. Il est aussi question d’un potier en lutte avec sa production, avec des éléments chargés de sens tels que le feu et son four.
■ Quelle serait ta dernière découverte filmique ?
J’ai emprunté récemment un film à Vidéorama (soutenez vidéorama !) qui s’appelle Ceci n’est pas un film, un documentaire de Jafar Panahi qui est une sorte de huit clos imposé ; c’est l’histoire du réalisateur astreint à résidence, et condamné à une interdiction de filmer par l’État iranien.
Les Caresses de Prométhée sera diffusé le 22 février à 20h au café librairie Le Papier Timbré – Rennes