Personne n’y comprend rien de Yannick Kergoat : une enquête édifiante au service de la vérité, de l’intégrité et de l’honnêteté souhaitables en politique.
Au service d’un homme qui aimerait bien se faire élire à l’Élysée, un directeur de cabinet, en vue de ramener du cash de Libye, va nouer des contacts, entre 2005 et 2007, auprès d’un dirigeant richissime en mal de respectabilité OK pour apporter son obole à la campagne du premier homme sus-cité. Un autre homme, affairiste qui a ses entrées un peu partout, sert d’intermédiaire. Un ami et beau-frère du dirigeant prodigue – l’un et l’autre ayant commandité et trempé dans des réalisations d’attentats anti-occidentaux causant de nombreuses victimes – procure également des valises d’espèces en grosses coupures à ce directeur de cabinet zélé venu tout droit du pays des droits de l’Homme pour récolter des fonds. Les transferts de flouze se font en catimini. Les services diplomatiques du pays des Lumières ne sont pas informés de ces tractations ni de ces transactions, puisque ce dirigeant que des émissaires viennent courtiser en son palais de Tripoli et son ami terroriste n’ont alors pas très bonne réputation à vrai dire – et l’ami de ce dirigeant libyen fait même l’objet d’une fiche de recherche diffusée par Interpol. Mais ça, les hommes de l’entourage de cet homme qui candidate à la plus haute fonction de ce pays qui a donné naissance à ces grands hommes que sont Édouard Balladur ou David Pujadas prétendent ne jamais en avoir été informés.
Néanmoins, aujourd’hui, les preuves s’accumulent – malgré une guerre en 2011 qui semble avoir été menée en partie pour en faire disparaître les traces. Les faisceaux d’éléments concordants sont tels que la justice républicaine française, qui a parfois le courage de s’emparer de dossiers mettant en cause des personnalités prestigieuses pour les placer face à leurs responsabilités, se penche sur le cas de tous ces hommes dont la probité et l’intégrité pose a minima question. Pour être plus précis, ces hommes sont Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, Brice Hortefeux, Éric Woerth, Ziad Takieddine, Alexandre Djouhri, Béchir Salah Béchir, Abdallah Senoussi (ami et beau-frère de Mouammar Kadhafi (1942-2011) impliqué dans l’attentat du vol UTA 772 qui fera 170 victimes), l’avocat Thierry Gaubert (qui lui aussi se fait construire une somptueuse villa en Amérique du Sud avec des fonds mystérieux), Alexandre Djouhri (expert en trafic d’armes, proche de Dominique de Villepin et de Bernard Squarcini – impliqué dans les affaires d’espionnage par le groupe LVMH du journal Fakir de François Ruffin qui en avait fait un film mémorable)… Que du beau monde habitué au faste, aux contrats douteux et aux privilèges qui en découlent.
Éric Woerth, alors trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy, dira que tous ces billets, qui remplissent des armoires et inondent la campagne de Nicolas Sarkozy, ont été envoyés par la Poste par des donateurs anonymes (lol). Claude Guéant dira que les 500 000 € apparus sur l’un de ses comptes résultent de la vente de 2 petits tableaux d’un obscur maître flamand (re-lol). Tentant de minimiser les faits, Rachida Dati dira, pour venir en aide à son mentor, face à toutes les révélations faites par Mediapart (jamais condamné en justice parce qu’auraient été publiées des informations fausses), que ce média n’est rien qu’une officine de gauche (re-re-lol). Nicolas Sarkozy dira que la justice s’acharne contre lui, que c’est indigne (re-re-re-lol) et qu’il ne faut pas croire le clan Kadhafi qui a du sang plein les mains. Extradé au Liban (suite à une affaire de rétrocommissions occultes sur des marchés d’armement avec le Pakistan et l’Arabie Saoudite), Ziad Takieddine, le fameux intermédiaire franco-libanais entre Kadhafi et Sarkozy par qui le scandale et les révélations ont commencé, se rétractera finalement, en direct sur BFM TV, et dans les colonnes de Paris-Match – journal appartenant au groupe Lagardère et dont Nicolas Sarkozy est membre du conseil d’administration.
La chercheuse Julia Cagé souligne que les médias n’ont guère relayé les enquêtes de Mediapart signées bien souvent par les journalistes d’investigation Fabrice Arfi, Karl Laske ou Antton Rouget. Mais ont pris soin de diffuser la rétractation de Ziad Takieddine et de lui donner la plus grande visibilité pour satisfaire le clan Sarkozy. Cette rétractation, obtenue de façon illégale (re-re-re-re-lol), conduira la justice à incriminer Michèle « Mimi » Marchand, patronne de BestImage et intime des couples Sarkozy ou Macron, avec quatre autres personnes pour « subornation de témoin » et « association de malfaiteurs » dans le cadre de l’obtention de ces supposées rétractations.
Enquête passionnante sur les dérives de nos dirigeants au cynisme consommé et sur la corruption qui règne dans les hautes sphères, Personne n’y comprend rien de Yannick Kergoat, co-produit par Mediapart, fait salle comble au TNB et déclenche des applaudissements nourris dans la salle Louis Jouvet. Preuve s’il en est que quand c’est bien expliqué, on finit par s’y retrouver.
NB : Démarré ce 6 janvier, le procès-fleuve de cette inextricable affaire de financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy, est en cours et le sort des 13 co-accusés (présumés innocents bien entendu des faits qui leur sont reprochés : faux et usage de faux, corruption active, corruption active d’agent public étranger, complicité de détournement de fonds publics par une personne chargée d’une mission de service public, recel de détournement de fonds publics par une personne chargée d’une mission de service public, blanchiment de détournement de fonds publics par une personne chargée d’une mission de service public en bande organisée, blanchiment de corruption active et passive en bande organisée, blanchiment de corruption active et passive d’agent public étranger en bande organisée, blanchiment de fraude fiscale en bande organisée…) sera délibéré à partir du 10 avril 2025 par la 32ᵉ chambre du tribunal judiciaire de Paris.