Les hygialogues de Ty Petersen, de Saul Pandelakis : où il s’agira de faire plus ample connaissance avec les sunđuz.

« Ils étaient arrivés presque sans crier gare (…) l’objet volant avait atterri en plein cœur de Central Park – quoique l’immensité du véhicule, de la taille d’un bâtiment, nécessiterait plutôt de dire qu’ils avaient atterri sur Central Park, annihilant l’existence de ce lieu, de tout ce qu’il avait été jusque-là. » (page 25)

Voilà qu’avec Les hygialogues de Ty Petersen, Saul Pandelakis – auteur par ailleurs de La séquence Aardtman paru également aux éditions Goater en 2021 et dont il existe une version augmentée parue en 2024 – renoue avec cette tradition qui consiste à construire un narratif à partir d’un fantasme ultime de la science-fiction : le débarquement et la rencontre avec des extraterrestres. Comment dès lors communiquer avec eux ? Comment faire leur connaissance ? Quelles précautions prendre lors de ces échanges ? Comment appréhender cette extraordinaire altérité ? Quelles relations tisser ?

« Nous leur avions tant résisté, au début. Nous nous étions méfiés. La réponse avait été militaire, le maître mot était de “contenir l’invasion”. Puis, comme pour toute chose, nous nous étions habitués (…) Des voix s’étaient élevées pour accueillir cette arrivée, certains disaient, ce cadeau, un cadeau venu des étoiles, pour nous apprendre des choses, sur la technologie, les crises climatiques, la biologie, les sciences, l’anthropologie. On disait aussi qu’il fallait prendre le meilleur des deux mondes mais cela semblait impossible, insoluble, extravagant. » (pages 105-106)

La difficulté – et le bonheur – de comprendre l’autre, de s’en approcher, d’entrer en contact – sans se mettre en danger de préférence, mais existe-t-il une relation entre 2 êtres différents qui soit exempte de risque ? – est au cœur de ce passionnant petit roman. Ty Petersen, traductrice et médiatrice installée à New York, voit sa vie bouleversée par la rencontre avec Akarnasasari, dont elle est chargée d’étudier les mœurs, la langue (à travers un dispositif, une vitre protectrice).

Se déploie ainsi tout un jeu autour des subtilités de la langue, des langues, de ce qui est communicable et de ce qui est indicible, flou ou mystérieux – l’auteur a pour ce faire poussé le bouchon jusqu’à créer une langue, une fonte, une graphie originale (visible sur sunduz.fr)

« Comme les étoiles, et peut-être même certains vaisseaux dont la destinée se résumait à écraser un parc, je n’avais pas besoin d’aller quelque part – seulement de prétendre que mon mouvement rimait à quelque chose. » (pages 161-162)

Une nouvelle, Suntown – Ballade pour tout ce qui vit ici, prolonge cette rencontre avec les arrivants, les sunđuz au charme certain, dont le sort est de s’acclimater, de se fondre dans le décor, une fois passées les étapes de la surprise, de la rencontre, de l’acceptation et de la destruction de leur vaisseau et du centre de recherches afférent.

« On avait offert un quartier aux sunđuz. D’abord, deux blocs furent cédés, puis les Arrivants et surtout leurs défenseurs (des associations socialistes pour l’essentiel) avaient ferraillé pour obtenir un peu plus, arguant que leurs enfants auraient probablement des enfants, et qu’il valait mieux prévoir trop grand que trop petit. » (page 171)

Enfin un essai, Esthétique et politique du guichet  un ethos du face à face, et un dialogue entre l’auteur Saul Pandelakis et Antoine Mottier, Écrire de la SF, penser les futurs… (depuis la chambre à coucher?), complètent et éclairent cet ouvrage consacré aux sunđuz que nous vous invitons chaleureusement à découvrir. Autrui, qu’il soit terrestre ou a fortiori extraterrestre, ne peut laisser personne insensible.

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