La petite cour, de Daniel Schneidermann, illustré par Vincent Mahé

La petite cour, de Daniel Schneidermann : une galerie de portraits politiques drôlatiques illustrant avec brio la rupture de plus en plus flagrante entre celles et ceux qui dirigent, abusant de leur position dominante, et celles et ceux qui subissent.

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« Pour être doué en récitation, il ne suffit pas de connaître le texte par cœur. Il faut mettre le ton, Gabriel met le ton. Quand il faut convaincre que c’est une très bonne chose de travailler jusqu’au bout de ses forces, on a presque envie, en l’écoutant, d’être déjà arrivé au bout de ses forces, pour pouvoir travailler encore. Quand Gabriel explique que les milliardaires paient déjà beaucoup d’impôts, on a envie de leur donner une pièce ou un billet. » (page 13, « Gabriel est doué en récitation »)

533x800_la-petite-courCaricaturer les pitres plus ou moins gratinés qui nous gouvernent est une vieille – et plutôt saine – tradition française. Le fondateur d’Arrêt sur images se plie ici à l’exercice avec délectation – même si on imagine aisément qu’il préférerait sûrement qu’on soit gouverné par d’honnêtes et droites personnes qui prêteraient un peu moins le flanc à la critique.

La plume de l’un et les crayons de couleur de l’autre font mouche. Le duo, que forment l’illustrateur Vincent Mahé qui croque nos tristes sires en les métamorphosant en sales gosses de cour de récréation – d’où le titre de l’ouvrage – et le journaliste Daniel Schneidermann qui saisit sur le vif les réflexes grotesques du gouvernement, fonctionne parfaitement. D’autant qu’on est alors en plein mouvement de contestation du projet de loi antisociale de réforme des retraites et que le gouvernement multiplie les acrobaties, les approximations énormes et les contre-feux pour faire passer l’amère pilule à la population réfractaire.

Ce n’est pas parce qu’on vit une assez triste époque qu’on doit s’interdire d’en rire, de s’en moquer (avec style et finesse qui plus est), de brocarder avec une aussi joyeuse qu’élégante insolence les postures déplorables des oligarques et autres grands personnages de l’État réduits ici à de petits garnements. Dans l’espoir que ces petit·es Gabriel, Marlène (voir illustration ci-dessous, in « Marlène est trop ») , Bruno, Olivier et autre Yaël (voir illustration ci-dessus, in « Yaël est une maîtresse équitable ») prennent conscience qu’ils sont assez insupportables, que leurs arrogances, cruautés, géométries variables et autres hypocrisies ne passent pas inaperçues, on ne peut donc que remercier Daniel Schneidermann pour cette série de fabliaux bien troussés, ironiques à souhait, mordants et contextualisés.

« Delphine [Arnault, la fille du milliardaire Bernard Arnault, fraîchement nommée directrice de la maison Dior, filiale du groupe LVMH que son père préside] est la meilleure amie de la première dame Brigitte. Elle lui prête souvent de belles robes et de jolis sacs. La première dame les range dans les armoires de son palais. Avec les robes de Delphine, la première dame est toujours belle. Elle est contente et son mari le président aussi. Puis la première dame restitue les habits à Delphine, car c’est une belle personne. » (pages 29-30, « Delphine a reçu un beau cadeau »)

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La petite cour, de Daniel Schneidermann, illustré par Vincent Mahé, arretsurimages.net, Le Publieur, 86 pages, 2023, 14,50 €.

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