Vendredi 18 novembre, Kae Tempest faisait halte au MEM pour la tournée de son nouvel et dernier album, The line is a curve. Kae Tempest sur scène, c’est au-delà d’un concert. Et ça se grave au fond de la rétine et du cœur.
Au commencement de cet article, on avait envie de parler de tornade : tornade de mots, tornade du son, tornade d’émotions. Puis on a trouvé ça un peu violent, tornade, tempête, car ce n’est pas ce que Kae donne au public. C’est beaucoup plus doux, au fond. Kae regarde son public dans les yeux, quand i·el ne les a pas fermés pour dérouler ses textes au micro. Le concert en lui même pourrait se résumer facilement : une première partie avec le set de son dernier album en entier. Puis une deuxième qui revient avec des titres issus de Let them eat chaos (dont le livre paraissait aux éditions Larche le même jour) et de The book of traps and lessons. Voilà pour le contenu de manière factuelle.
Côté forme, c’est autre chose. Kae Tempest a gardé la poésie du spoken word et la lame affûtée de la punchline (à moins que ce ne soit le contraire). Kae rappe. Kae parle. Kae ne hurle pas, ça c’est à l’intérieur, ou dans le son qui le fait parfois à sa place, certaines basses en tension sourde, prêtes à exploser depuis les claviers et machines de son amie en fond de scène. Avec le BPM comme pulsation cardiaque, et la voix qui s’extirpe du corps, parfois avec douleur, parfois avec joie. La voix et le corps en posture souvent proche de l’incantation; comme une prière païenne dans un monde en éclats. Kae arrive à en rassembler (ses) morceaux pour en faire de la lumière.
À la fin, le public est traversé de quelque chose d’unique. Impalpable. Submergé par, appelons un chat un chat, une dose d’amour que Kae scrute dans le visage des gens. People faces. Connexion(s). Il n’y a pas de rappel. Kae ne peut pas entrer de nouveau dans cet espace une fois qu’i·el en est sorti·e. Nous, on y restera longtemps.
Photos : Karine Baudot
